Dans le cadre des Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal (RIDM), Anthony Chidiac a présenté les 16 et 19 novembre derniers son premier film, Room for a man, en compétition internationale. Un appartement en ville, une chambre en travaux, la pampa argentine : voilà pour le décor. Le réalisateur libanais a filmé son quotidien pendant plus de cinq ans, donnant naissance à un film bouleversant.
« Rien n’était vraiment prévu dans le film, tout était spontané. Rien n’était vraiment écrit », explique le cinéaste lors de la projection du documentaire. « J’avais une petite caméra, je filmais ma mère tous les jours, sans avoir de but. » Sa mère, mais aussi son chien, son oncle, les travailleurs syriens repeignant sa chambre, et son père. La relation complexe du réalisateur avec ce dernier est explorée dans la dernière partie du documentaire, au cours d’un voyage en Argentine, dont sa famille est originaire. À travers ces portraits tout en reliefs, le réalisateur retrace avec talent sa jeunesse, sa généalogie, mais aussi son envie d’ailleurs, motivée en partie par la désapprobation de son homosexualité par sa famille.
Un témoignage en pointillés
Cette question parcourt le documentaire sans pour autant être son objet premier. Anthony Chidiac aborde l’homosexualité de manière transversale tout au long de ce film, que ce soit à travers ses discussions avec ses proches, le récit de ses aventures de jeunesse ou ses échanges avec les travailleurs syriens. « Parler de l’homosexualité [de manière directe], déjà ce n’est pas intéressant. Je ne le fais pas, ça ne me ressemble pas. C’est tout le travail du cinéma de raconter à travers l’image, à travers mon point de vue, à travers la réaction des autres », expliquait-il.
L’esthétique de l’intime
Avec des plans d’une beauté singulière, Room for a man emporte le spectateur dans les recoins les plus intimes de l’existence du réalisateur, porté par la voix énigmatique d’une narratrice inconnue. « Je ne voulais pas que ce soit ma voix à moi, j’ai essayé, ça ne marchait pas. J’ai demandé à quelqu’un que je connais qui m’aidait au montage de relire le texte, et j’ai dit oui, pourquoi pas une femme. En même temps il y a ce truc autour du genre, ce mix qui est un peu intéressant au début. » Le réalisateur pose un regard sensible sur le monde qui l’entoure, parvenant à faire de la matière brute de son quotidien un récit passionnant empreint de poésie.
Il a fallu près de deux ans au réalisateur pour synthétiser ces cinq ans de vie et de tournage et les réduire aux soixante-dix-sept minutes du documentaire. « Le montage s’est fait juste après l’Argentine. C’était vraiment difficile de créer l’histoire, de raconter tellement de sujets, tellement de détails, le rapport avec la famille, l’Argentine… Pour que ce soit cohérent, c’était difficile de monter ça. » Si le processus de création a été difficile, le résultat, quant à lui, est d’une beauté et d’une sensibilité remarquables.