Nuit blanche pour Dulcinée Langfelder dont le texte, récemment traduit en français, explore les incohérences poétiques de nos rêves. À coup d’amandes soufflées, d’insectes et de saucisses, l’artiste raconte ses nuits mouvementées. « Vous souvenez-vous de vos rêves ? », nous demande Dulcinée Langfelder au début du spectacle. Si seulement 2% de la population en est capable, l’artiste a passé plusieurs années à enregistrer ses aventures nocturnes à l’aide d’un magnétophone de chevet. Seule sur une scène épurée, elle retranscrit ses nuits avec humour et mélancolie. Accompagnée d’un oreiller et d’un appareil photo, qui symbolise son père décédé, Dulcinée Langfelder expose son amour du sommeil, son imagination débordante, mais aussi ses peurs et ses angoisses les plus profondes. Le spectacle est rythmé par les apparitions de son père, muni de son Rolleiflex, qui raconte de temps à autres l’histoire de la petite fille qui courrait en cercle éternellement… Pendant ces instants de vulnérabilité, on sent l’artiste déstabilisée, presque perdue. Son récit devient fragmenté par les oublis de la dormeuse qui s’accroche en vain à son rêve. Mise à nue, Dulcinée Langfelder nous offre une interprétation touchante et juste.
Rêveries érotiques
Mais la nuit, nous rappelle-t-elle, c’est aussi —et surtout— le temps du désir. Sur une musique envoûtante, l’artiste mime avec fantaisie sa série de rêves « Obama Erotika », où l’on retrouve l’ancien président américain en slip rouge de catcheur. En donnant la parole à ses fantasmes les plus intimes, Dulcinée Langfelder nous invite à assumer nos désirs charnels.
Car Confidences sur l’oreiller, c’est aussi une réflexion sur la relation entre corps et rêve. Dans l’introduction de sa pièce, façon TedTalk, Dulcinée Langfelder nous apprend que demeurer dans la position où l’on dort permet de mieux se souvenir de ses rêves au réveil.
L’aspect corporel du sommeil, mis en avant dès le départ, est un thème central du spectacle. Par la danse, Dulcinée Langfelder donne une matérialité à nos rêveries, et exploite ainsi leur potentiel artistique. La toile tendue à l’arrière de la scène, où n’est projeté qu’un oreiller blanc au début de la pièce, devient un support de création. Le rêve, représenté sur la toile vierge, se transforme en œuvre d’art, tout comme le corps de l’artiste qui se fond dans le décor onirique d’un tableau coloré. Avec de nombreux jeux d’ombres, Dulcinée Langfelder explore le caractère flou et indéfini de l’inconscient. Elle laisse place au hasard et refuse toute interprétation psychanalytique. Confidences sur l’oreiller, un essai sur les rêves narre donc avec poésie des histoires aussi absurdes qu’émouvantes, et nous permet de prolonger nos rêveries nocturnes le temps d’un spectacle.