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On ne meurt qu’une fois…

Une conversation sur l’état actuel de l’aide médicale à mourir au Québec. 

Capucine Lorber | Le Délit

Étaient présents pour en parler la Dr. Jocelyn Downie, professeure de droit et d’éthique dans le domaine de la santé à la faculté de droit Schulich de l’Université Dalhousie, le Dr. Alain Naud, médecin au CHU de Québec et professeur à la faculté de médecine de l’Université Laval et Me. Jean-Pierre Ménard, avocat exerçant depuis plus de trente ans qui s’est fait particulièrement remarquer au cours de sa carrière pour ses dossiers en lien avec le domaine médical. L’évènement, qui était organisé par le  Medical Student Study Group on Physician-Assisted Dying, la Revue de droit et de santé de McGill et l’Association des étudiants en droit de McGill, s’est déroulé lundi dernier au New Chancellor Day Hall.

Faire le point : deux ans de pratique

Le Dr. Alain Naud est le premier à prendre la parole. Il connait bien l’euthanasie. Il a eu l’occasion de la pratiquer à plusieurs reprises. « Tout commence avec le formulaire de demande », devant être signé de la main du patient devant trois témoins précise-t-il.

« Le premier témoin doit être un professionnel de santé […], ce ne doit pas être obligatoirement un médecin […], et les deux autres [témoins] ne doivent être ni de la famille du patient ni impliqués dans son traitement ». Il se lance alors dans une description des dernières heures précédant le décès du patient : « J’arrive toujours une heure avant pour rassurer le patient [et dire] que je suis là, que je ne vais pas être en retard. On ne peut pas être en retard quand il s’agit d’un moment en lien avec la mort. Je rencontre toujours la famille aussi, c’est important […]. Je leur explique ce que je vais faire, ce qu’ils vont voir […]. On redemande ensuite au patient s’il n’a pas changé d’avis, c’est un des critères ». Après avoir laissé au patient du temps avec sa famille pour ce dernier moment de communion, il revient cinq minutes avant l’heure prévue : « Quand le patient est prêt, il me dit : ‘’Allons‑y’’ et je débute les injections […]. Le premier produit permet d’endormir le patient. Le second sert à lutter contre l’irritation provoquée par le premier produit. Le troisième est un anesthésiant général […], le quatrième provoque l’arrêt des muscles et donc de la respiration […], mais au bout [de l’injection] du troisième produit, le patient a déjà arrêté de respirer ».

Un problème de conscience ?

Dr. Naud ajoute qu’il est tout à fait compréhensible que certains médecins ne soient pas à l’aise avec la mort, évoquant même un problème de conscience pour certains. Il insiste toutefois sur le fait que le médecin a le devoir de trouver une solution pour son patient qui demande l’aide médicale à mourir. À ce propos, Jocelyn Downie présente des chiffres frappants. D’après une étude, seuls 22% des médecins auraient réellement un problème de conscience, les 78% restants refusant en raison de « la culpabilité qu’ils ressentiraient, le manque d’expertise, la peur de la stigmatisation par ses pairs et le fait que ce processus prenne trop de temps ».

Toujours sur la même voie, Jocelyn Downie adresse un problème important qui est le manque d’accès à l’aide médicale à mourir, allant même jusqu’à comparer certains cas à des « histoires d’horreurs », faisant référence à des patients ayant le droit de bénéficier de cette pratique, souhaitant mettre fin à leurs souffrances […] et qui pourtant en sont empêchés. Me. Ménard rappelle cependant que les hôpitaux publics au Québec pratiquent tous l’aide médicale à mourir.

Les propos du Dr. Downie rappellent à quel point la vie est devenue difficile pour ces personnes voulant bénéficier de l’euthanasie. D’après le portail santé du gouvernement du Québec, les exigences requises sont les suivantes : « être assuré au sens de la Loi sur l’assurance maladie ; être majeure ; être apte à consentir aux soins ; être en fin de vie ; avoir une situation médicale qui se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités ; éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables ».

Alors que, l’évènement prend fin, tout le monde semble avoir porté un grand intérêt au sujet qui n’en demeure pas moins sensible, comme souvent lorsqu’il est question de la fin de vie. 


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