Elodie Rezo est une jeune femme française expatriée. Elle est professeure à l’école ISART, spécialisée dans le jeu vidéo et le cinéma d’animation 3D. En parallèle à son métier, Elodie est une passionnée du « seconde main », passion qu’elle cherche d’ailleurs à partager en développant le projet **Dress Me Up**. Le Délit l’a rencontrée afin de discuter de son projet.
Le Délit (LD) : Qui es-tu ? Que fais-tu dans la vie ? Quels sont tes projets ?
Elodie Rezo (ER) : Je m’appelle Élodie, j’ai 31 ans et je travaille à ISART, une école spécialisée dans le domaine du jeu vidéo et du cinéma d’animation 3D. Mon travail me passionne, mais j’ai toujours eu cette fibre entrepreneuriale. Montréal s’est avéré être le bon endroit pour pouvoir exprimer cette créativité quelque peu bridée lorsque je vivais à Paris. Quelques mois après mon arrivée, je commence à fonder le projet Dress Me Up. En février 2016, je lance la page Facebook, et depuis, j’en parle autour de moi et j’essaye de le faire connaître ! Je l’ai créé pour partager ma passion du seconde main et je ne m’attendais pas un tel succès, si je puis dire ! Nous sommes maintenant presque au 9e évènement qui aura lieu le dimanche 11 Février. J’ai la chance de ne pas être seule dans ce projet, je suis bien entourée d’une équipe composée d’amis et de bénévoles. Sans eux, Dress Me Up serait impossible, c’est pourquoi je trouve important de rappeler que je ne suis pas seule derrière ce beau projet.
LD : D’où t’es venue l’idée de Dress me Up ? Est-ce un besoin ? As-tu ressenti une demande autour de toi ? Est-ce quelque chose à laquelle tu avais déjà participé auparavant ?
ER : À Paris, j’avais une toute autre manière de consommer. J’achetais énormément de vêtements, chaussures… Jusqu’au jour où je n’ai plus eu de place chez moi. En 2007, j’ai organisé une soirée d’échange de vêtements chez moi avec mes amies. L’idée de base était de faire du tri et de me débarrasser de vêtements que je ne portais plus. J’ai réussi à me débarrasser des vêtements que je ne voulais plus, mais j’étais quelque peu frustrée de constater que je n’avais pas trouvé de vêtements qui me plaisaient lors de cette soirée. Il était difficile de trouver des habits qui nous convenaient à toutes : nous n’avions pas toutes la même morphologie ni le même style, ce qui rendait les choses plus compliquées. C’est suite à cette soirée que je me suis mise à réfléchir à une différente manière d’échanger des vêtements, une qui permettrait que j’y trouve mon compte, et plus globalement que toute femme, de toute taille, de tout style et de toute morphologie, puisse en faire de même.
Toujours à Paris, je faisais également partie d’une organisation qui s’appelait Troc Party et nous étions assez médiatisées, mais les aléas de la vie ont fait que nous avons été amenées à évoluer dans des endroits différents. Quand je suis arrivée à Montréal, j’ai tout de suite vu que le seconde main était une tout autre manière de consommer. Tout ce qui est seconde vie, refaire sa garde-robe gratuitement est un concept qui a attiré et attire beaucoup de personnes. C’est donc de là que vient l’idée de Dress Me Up !
LD : Est ce que tu peux nous expliquer comment fonctionne le concept de Dress Me Up ? Qu’est-ce qu’il faut faire, qui peut participer, qui est concerné ?
ER : Il suffit d’apporter les affaires que l’on ne porte plus et dont on souhaite se séparer. Toutes les tailles sont disponibles, pour permettre aux participantes de trouver leur bonheur, quel que soient leur morphologie ! Les vêtements, chaussures et accessoires sont acceptés. Tout ce qui est des sous-vêtements, boucles d’oreilles à trou et collants ne sont pas acceptés, pour des raisons d’hygiène. Les vêtements tâchés ou abîmés ne sont également pas acceptés.
L’événement est en général d’une durée relativement courte ; deux heures environ. Au cours de la première heure, nous effectuons le tri des affaires. Pendant la phase de tri, il est possible de profiter de ce temps pour faire connaissance avec les participantes et prendre une petite consommation dans l’endroit qui accueille gentiment l’évènement. Vient ensuite le lancement de la Troc Party, où toutes peuvent choisir, essayer et repartir avec le même nombre de morceaux qu’elles ont apporté. Le minimum est de 5 morceaux et le maximum de 25.
Pour les femmes qui veulent entreprendre : entreprenez, c’est tout
LD : Y a‑t-il un contrôle de qualité des vêtements proposés (hygiène, qualité de l’article)?
ER : Lors de la phase de tri, nous comptons le nombre de morceaux. Nous trions devant les participantes et nous leur disons si nous validons ou pas les articles apportés. Nous ne prenons que les affaires en bon état : pas de tâches, pas de trous, pour garantir des vêtements de qualité.
Nous avons également un autre projet pour ne pas gaspiller les vêtements trop abîmés : nous souhaiterions, en partenariat avec le Loft Créatif, lancer des ateliers recyclage matière à partir des vêtements abîmés. L’objectif est de ne rien jeter ni gaspiller.
LD : Prévoyez-vous élaborer un projet plus inclusif qui serait accessible aux hommes ?
ER : Oui absolument, mais nous aborderions cette part du marché avec une publicité différente, car on ne touche pas la demande masculine de la même manière que la demande féminine. Nous avons reçu de nombreuses demandes de la part d’hommes. Nous avons commencé Dress Me Up avec les femmes, car elles sont plus réceptives dans ce domaine. Nous prévoyons aussi de travailler un projet pour les mères de famille avec le linge pour enfant, parce que les enfants grandissent à une vitesse hallucinante et l’argent dépensé dans leurs habits est colossal. Il y a donc un besoin important. Si ces projets voient le jour, nous aurions néanmoins besoin de financement, chose qui est difficile, car nous voulons garder l’organisation comme étant une initiative 100% gratuite et bénévole.
Nous souhaitons véritablement garder ce type d’évènements 100% gratuits. Nous recommandons néanmoins aux participantes de prendre une petite consommation à l’endroit qui nous accueille, mais personne n’y est forcé.
LD : Sur la page Facebook, il est dit « qu’à la fin de l’événement tous les vêtements, accessoires et souliers non troqués seront récupérés par Dress Me Up, afin d’être déposés à l’association PRACOM qui aide des femmes présentant des problèmes de santé mentale ». Pourquoi cette association ? Est-ce un sujet qui vous tient particulièrement à cœur ?
ER : Je dirais que toutes les causes m’importent. J’ai découvert PRACOM par le biais d’un ami : j’ai pu rencontrer une personne qui travaillait chez PRACOM et qui m’en a expliqué le fonctionnement. C’est une association qui travaille pour la santé mentale des femmes et qui a besoin de vêtements, car elle a déjà une assistance au niveau maquillage et autres soins. Nous reversons également les habits restants dans des associations pour les femmes victimes de violences conjugales, et dans différents foyers. Je pense également aux « Y des Femmes » et à différents centres de désintoxication. Nous essayons de diversifier et d’aider le plus grand nombre !
LD : Une exportation de Dress Me Up dans des villes voisines serait-elle envisageable ?
ER : Quand nous avons lancé le projet, je ne m’attendais pas du tout que ça ait un tel succès ! Je ne pensais même pas que ça allait dépasser mon quartier. Mais maintenant, nous avons des demandes à Sherbrooke, Ottawa… Pour des raisons budgétaires, pour l’instant, je ne peux pas faire des démarches d’exportation. Il faudrait transporter l’équipe ou former une équipe sur place et ça coûterait une somme ! Nous ne sommes néanmoins pas fermés à l’idée ; elle pourrait se faire dans le futur…
LD : Beaucoup de femmes comme toi aimeraient créer des start-ups/ concepts, mais sont quelque peu découragées par le manque d’appui que connaît l’entrepreneuriat féminin. Aurais-tu des conseils/suggestions pour que celles qui ont des projets puissent les voir un jour aboutis ?
ER : Lancer une entreprise, qu’on soit une femme ou un homme, c’est compliqué. Il faut être tenace et croire en son projet. Je pense c’est aussi une question de profil : si tu crois en ce que tu dis, c’est sûr que des gens vont embarquer. Pour toutes celles qui voudraient se lancer dans un projet entrepreneurial, je recommande de ne rien lâcher. C’est sûr, nous avons toujours la peur que notre idée soit reprise et mieux faite que nous, mais il ne faut pas. Il faut foncer !
Il faut savoir déléguer aussi, car on a des compétences, mais on ne les a pas toutes. S’entourer des bonnes personnes donc. Essayer de contourner l’image de la société qu’on essaye de nous véhiculer aussi, que la femme est en désavantage. Il faut avoir l’assurance de développer ses idées et d’aller jusqu’au bout. Enfin, je dirais qu’il ne suffit pas d’être bon à l’école pour s’en sortir dans la vie : à partir du moment où tu sais ce que tu veux et ou tu vas, que tu peux montrer que ta motivation va au-delà des mots, ça change tout. Pour les femmes qui veulent entreprendre : entreprenez, c’est tout.
LD : As-tu d’autres projets à nous faire part ?
ER : En parallèle à Dress me Up, avec une équipe d’amis, on est en train de développer une application qui s’appelle Upcycli. Elle proposera plein de nouveautés super intéressantes dont je ne peux pas parler à l’heure actuelle, mais restez connectés !