En 2012, peu après son arrivée au pouvoir, dans son discours prononcé devant les députés de l’Assemblée nationale du Sénégal, François Hollande annonçait que « le temps de la Françafrique est révolu » et insistait sur l’importance de prôner « des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité ». Son prédécesseur, Nicolas Sarzoky, avait également affiché cette volonté de rompre avec le spectre colonial en promettant d’«en finir avec 50 ans de la Françafrique » et de faire de l’année 2010 « la véritable année de la décolonisation ». Un refrain assez connu, qui a même été répété par Chirac et Mitterrand. Visiblement, les actes de ces deux présidents français n’ont pas suivi leurs paroles. Les interventions militaires au Mali, en Libye, en Côte d’Ivoire ainsi qu’en Centre-Afrique illustrent clairement les visées encore néocoloniales de la politique étrangère française. Quant au nouveau locataire de l’Élysée, lors de sa première tournée africaine (Burkina Faso, Ghana, Côte d’Ivoire) qui s’est tenue du 27 au 30 novembre 2017, il a annoncé sans hésitation sa détermination à tourner la page de la Françafrique ; « Je suis d’une génération de français pour qui les crimes de la colonisation européenne sont incontestables et font partie de notre histoire », a‑t-il martelé. L’ère Macron soulignera-t-elle la fin de ce système de domination coloniale ?
Qu’entend-on par « Françafrique » ?
Ce néologisme inventé par l’ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny désigne les relations un peu nébuleuses, opaques, voire « incestueuses » entre l’ancienne puissance coloniale qu’était la France et ses ex-colonies africaines. Lors de la décolonisation des années 60, de Gaulle souhaitait conserver la mainmise de l’ancien empire colonial sur le continent africain afin d’assurer son statut de puissance mondiale face à l’expansion massive des Soviétiques et des Américains. Le principe de la Françafrique allait comme suit : en échange de la protection française, les chefs d’État africains francophones fournissaient des matières premières (uranium, pétrole, minerais) et étaient contraints de ne faire appel qu’aux compagnies hexagonales pour signer de juteux contrats. Il semblerait même que certains présidents africains offraient des mallettes bien étoffées aux dirigeants français pour financer leurs campagnes politiques. Un important nombre d’anciennes compagnies eurent notamment recours à Total et à d’autres grandes multinationales françaises.
La « Françafrique » aujourd’hui
Économiquement, la France perd du terrain en Afrique au profit de la montée en puissance de la Chine. Malgré la présence de ses bases militaires sur le continent africain, la France n’arrive plus à s’imposer avec la même ampleur qu’aux premières décennies de la décolonisation. Bien qu’elle ne soit que le sixième investisseur sur le continent africain, il ne faut surtout pas négliger la prépondérance du géant pétrolier français Total qui opère dans 43 pays africains. Selon le philosophe canadien Alain Deneault, cette multinationale n’hésite pas à employer des méthodes peu orthodoxes, notamment par l’entremise des systèmes judiciaires défaillants, pour parvenir à ses fins. « Total est une autorité souveraine d’un genre nouveau, capable de rivaliser avec des Etats et de générer un nouveau rapport à la loi », explique le philosophe dans son essai publié en 2017 intitulé : De quoi Total est-elle la somme ? Multinationales et perversion du droit ? Un autre aspect assez sombre de la Françafrique d’aujourd’hui est celui de la perpétuation du Franc CFA qui signifiait autrefois « franc des colonies françaises d’Afrique ». Cette monnaie commune de la « zone franc » en Afrique, créée en 1945 par le Général de Gaulle, est utilisée par 14 pays qui sont contraints de verser 50% de leurs réserves au Trésor français. Bien que pour certains elle représente un facteur de stabilité dans la « zone franc », ses détraqueurs y voient un outil de « survivance coloniale » qui est incompatible avec le monde globalisé du 21e siècle.
Macron, président des paroles ?
Face à la jeunesse burkinabé, Emmanuel Macron s’est présenté comme le garant d’une nouvelle génération prête à couper le cordon ombilical qui lie la France à l’Afrique. « Je suis d’une génération où l’on ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire, quelles sont les règles de l’État de droit », déclara-t-il. Ce sont de belles promesses de rupture, certes, mais auront-elles plus d’effet que celles de ses prédécesseurs. Pour l’instant, les pays de la Françafrique demeurent toujours un cadavre spasmodique.