Cette semaine dans Le Devoir paraissaient les conclusions d’un rapport sur un projet de vivre-ensemble qui avait été piloté au sein du collège de Maisonneuve. Ce rapport soulève des problèmes d’auto-censure de la part du corps professoral qui ressentait le besoin d’éviter certains discours et sujets, de peur d’offenser leurs étudiant·e·s issu·e·s de milieux divers et multiculturels. Il y était question d’un comportement préventif qui avait pour but d’éviter l’incident, cherchant la « paix » à tout prix. Cette peur du débat ne semble pas unique à ce collège, mais plutôt symptomatique d’un problème qui touche plus largement nos établissements d’enseignement.
Cette situation vient nourrir des inquiétudes liées à une certaine perte de liberté d’expression sur les campus. On parle alors de l’avènement du safe space comme outils de censure, de manifestations violentes à l’Université de Berkeley aux États-Unis contre la venue de Milo Yiannopoulos en février 2017, en passant par l’histoire plus récente de Lindsay Shepherd. Cette dernière, chargée de cours à l’Université de Wilfrid Laurier, fut réprimandée pour avoir montré un clip vidéo de Jordan Peterson qui remettait en question l’usage des pronoms « trans ». Ce discours porte sur une apparente polarisation de nos campus vers une culture du politiquement correct dangereux.
Ainsi, le cas du collège de Maisonneuve pourrait-il nous offrir une ouverture sur l’avenir d’un enseignement « aseptisé », dénué de discussions par crainte de l’offense ?
À McGill, nous observons en ce moment des ruptures au sein du campus, provenant notamment d’un vote lors de l’AG de l’AÉUM ayant soulevé des accusations d’antisémitisme. Il y a quelques jours, sortait le rapport mandaté par le bureau de la principale Fortier quant à cet incident, qui concluait ne pas pouvoir « corrobor[er] la notion selon laquelle le vote a été motivé par l’antisémitisme ». Cependant les tensions ne semblent pas pour autant s’être atténuées, alors qu’une grande partie des organisations juives sur le campus co-signaient une lettre ouverte se disant « déçues » par les conclusions du rapport.
En attendant, le groupe de travail sur le respect et l’inclusion dans la vie du campus lancé par le bureau de la principale en novembre dernier devrait livrer ses résultats le 27 avril. Selon Nandini Ramanujam, la coprésidente du groupe, il a pour but de « définir les problèmes et les localiser pour, par la suite, émettre une série de recommandations à leur égard », permettant ainsi de favoriser « la liberté d’expression, le respect et l’ouverture […] dans l’ensemble des activités [de l’université], et en particulier dans la vie étudiante ».
Nous voilà donc, sans doute, à l’aube de réformes qui auront des portées sur le développement intellectuel universitaire. Il semble évident que notre campus doit rester un espace inclusif et accessible à tou·te·s, d’où l’importance du groupe de travail de la principale. Une université qui ne permet pas aux étudiant·e·s de se sentir en sécurité risque de leur en bloquer ainsi l’accès. Ceci ne pourra que résulter en une inéluctable fermeture d’esprit.
Cependant, comme nous montre l’exemple du collège de Maisonneuve, la peur d’offenser ternit la liberté d’expression et sans elle la pensée critique se flétrit. Les idées naissent dans la confrontation : le droit d’offenser et d’être offensé·e ne peut pas être dissocié du débat. Si chacun se retient par crainte de blesser autrui, alors les nouvelles idées se mourront. Il faudra que le groupe de travail en tienne compte lors de la publication de ses trouvailles.
** Cet article a été modifié le 20/02/2018 par souci de comprehension, Le Délit regrette cette erreur**