Le Théâtre de la Licorne nous invite à replonger dans ce temps de latence entre l’adolescence et l’âge adulte, temps où tout est encore possible et où tout se décide, à travers Hamster, premier texte remarqué de Marianne Dansereau, porté à la scène par Jean-Simon Traversy.
Poétique de l’absurde
Tels Vladimir et Estragon, attendant vainement Godot sous leur arbre, une adolescente patiente sous un abribus de la rive nord de Montréal. À ses côtés, Le Vieil Homme Qui Passe La Balayeuse Sur Sa Pelouse pour faire rire sa femme décédée, aime lui rappeler que décidément non, le bus 51 ne passera pas en cette nuit de fête du travail.
En face, la station essence Pétro-Canada est habitée par un trio haut en couleurs : Le Gars Qui Compte La Caisse, visiblement effrayé par les deux silhouettes qui se dessinent à l’arrêt de bus et qui se doit de les imaginer en mascottes pour ne pas céder à la panique ; Le Gars Qui Passe La Moppe, employé joufflu rechignant à faire le ménage ; tous deux dirigés par une cheffe aguicheuse, La Fille Qui Arrive À La Job Sur Le Fly Même Si Son Prochain Shift Est Dans Deux Jours, venue remettre en ordre la station essence en vue de la venue d’un·e possible client·e mystère…
Dans le jardin d’enfants abandonné, se promène La Jeune Fille Qui A Une Jupe Trop Courte Selon Le Règlement, livrant sans vergogne ses désillusions amoureuses à son hamster et au public.
Grandir
Malgré quelques longueurs et une fin un peu précipitée, Hamster retranscrit dans un vocabulaire volontairement très québécois les hésitations de la jeunesse, ses doutes et ses grandes histoires d’amour, et pose avec subtilité la question de la construction d’un Je, sa confrontation avec le monde et les autres. Le texte est sublimé par quelques notes de guitare et une chanson interprétée en direct par Lydia Képinski.
Les jeunes adultes d’Hamster soulèvent au fond des questions existentielles, sous l’œil protecteur du vieil homme à qui rien n’échappe : qu’est-ce que cela signifie, vivre ? Et aimer ? Peut-on vivre d’amour comme on peut en mourir ? Comment conserver les sentiments que nous portent les autres êtres humains ?
La scénographie est par ailleurs assez minimaliste : outre une cabine de toilettes, lieu de grands drames comme de blagues potaches, et un banc représentant l’arrêt de bus, les espaces sont figurés par les paroles des act·rices·eurs. Les jeux de lumières sont sobres et classiques, apportant peu à l’intrigue de la pièce, et ne contribuant pas autant qu’ils le pourraient à l’escalade des tensions