Franc-Jeu, l’unique troupe de théâtre francophone de McGill, clôture ce semestre en beauté avec sa mise en jeu du texte de l’auteur québécois François d’Archambault, Une mort accidentelle, présentée au Théâtre Mainline.
Une comédie policière loufoque
Un inspecteur fan de groupes de métal aux consonances étranges, une journaliste culturelle à la vie sexuelle mouvementée, un jeune artiste névrosé et arrogant, un fantôme culpabilisateur, une business woman impassible, un père à la sensibilité exacerbée,un politicien carriériste et une bonne cuisinière qui a pour une fois manqué son fameux osso-buco… autant de personnages à fleur de peau, réuni·e·s le temps d’une enquête autour d’une mort accidentelle —ou presque.
L’œuvre débute en effet par le meurtre de Lucie d’Amour, tuée par son conjoint Philippe, jeune chanteur à succès, qui plutôt que d’avouer sa faute s’enfonce dans le mensonge, entrainant avec lui sa mère, parfait archétype de la « femme au foyer », et son père, homme politique véreux.
Ce « thriller philosophique » ouvre, à travers des représentations parfois caricaturales, des questionnements sur l’instantanéité de l’information et la récupération médiatique, la course à la célébrité et au pouvoir, le pardon et la vengeance, les mensonges et la vérité à l’ère des fausses nouvelles, dressant un portrait assez cynique de notre société numérique.
Une mise en scène réussie
Sur le plateau, l’espace simple et bien dessiné rappelle un intérieur moderne, agrémenté de quelques clins d’œil, notamment une peinture qui change au cours des scènes et évolue avec l’intrigue. La pièce est sublimée par quelques jeux de lumière aboutis, et un moment de grâce autour d’une chanson live accompagnée de quelques notes de guitare. Bref, cette mise en scène sobre et élégante met en valeur l’aspect résolument comique du texte, propulsant les spectatrice·eur·s dans un monde où rires et tensions dramatiques se mêlent et se confondent. Face à nous, les limites de notre propre moralité : jusqu’où sommes nous prêt·e·s à aller pour échapper aux conséquences de nos actes ? À quel point peut-on faire de soi-même ou de ses proches une exception à une loi morale universelle ? Vivre dans le mensonge est-il tenable sur le long-terme ?
La pièce explore aussi —pour notre plus grand bonheur— les dynamiques homme/femme impliquées par ce meurtre accidentel, cristallisées dans cette interrogation existentielle de la mère : si mon fils a tué sa future femme, et que son père est prêt à tout pour l’aider à camoufler le crime, que se passerait-il s’il me tuait demain ? Question centrale dans une société où les violences faites aux femmes sont encore largement impunies et touchent toutes les couches de la société.