« Les années passent et les choses changent : un désintérêt flagrant occupe aujourd’hui impérieusement la question de la langue française au Québec.»
Ainsi s’amorçait l’article d’Antoine Milette-Gagnon et Simon Tardif, paru dernièrement dans le Délit. Quoiqu’on ne pourra reprocher aux auteurs leur froid mais franc examen de l’état du français, il s’avère toutefois nécessaire de rectifier, voire même refuser, leur critique du rôle que joue l’Organisation de la Francophonie à McGill (OFM).
Cette lettre, je vous l’adresse en tant que nouveau président de l’OFM ; mais je vous l’adresse avant tout en tant que simple étudiant québécois à McGill.
Votre critique de l’état du fait français, au Québec tout comme ailleurs, n’a pas manquée de trouver chez moi un fort écho. Vous l’avez bien souligné, quoique le Québec possède une réalité culturelle et des défis qui lui sont certainement propres, plusieurs de ces derniers traduisent en fait un malaise qui n’épargne pas la francophonie dans son ensemble.
Laissez-moi vous l’avouer, je me vois également embarrassé à chacune des ces fois où l’on me rappelle qu’un des seuls groupes francophones de notre université à ne pas s’associer ou se représenter, c’est celui des Québécois.
Je suis de ceux qui croient que seuls les actes décideront de ce que l’on a voulu. Je ne peux ainsi que saluer votre volonté d’insuffler un peu de dignité à ce patrimoine sous-estimé, volonté qui prend la forme d’un réengagement par la plume. Certes, laissez-moi le souligner, le français n’est pas quelque chose qui ne vit que sur le papier.
Voilà précisément ce à quoi s’emploie l’OFM : tisser des liens entres les différentes communautés francophones de McGill ; créer un espace où les étudiants puissent partager, découvrir et vivre cette langue qu’est le français, afin finalement qu’elle n’y existe pas que dans les pages du Délit.
En d’autres termes, ce qui guide l’Organisation de la Francophonie à McGill, c’est sa volonté d’harmoniser cette tension à laquelle vous faites référence dans votre article : celle de trouver et consolider un fragile équilibre entre défense du français et vivre-ensemble.
Quoique votre plume puisse être agile et colorée, certaines de vos critiques à l’endroit de l’OFM se doivent d’être refusées. Humblement, ce ne sont en fait pas les propos de l’OFM qui sont « molasses », mais plutôt l’analyse que vous nous en avez offert.
L’OFM vient tout juste de prendre forme. S’il est vrai qu’à ses débuts l’organisation n’a peut-être pas su canaliser ses énergies là où elles étaient requises, en dresser le portrait d’une « francophonie de cocktail » illustre bien à quel point cette critique s’est contentée de n’en contempler que la surface.
Un peu de curiosité aurait suffit à vous informer que l’OFM travaille présentement avec l’AÉUM et l’administration de McGill afin de réinstaurer un poste permanent de Commissaire aux affaires francophones, dont le mandat sera de représenter les intérêts des francophones de McGill auprès des différentes instances de notre université.
Cela aurait également suffit à vous apprendre qu’elle participe actuellement à la création d’un comité d’intégration des étudiants internationaux, chargé d’éviter qu’on relègue ces derniers au fameux ghetto de McGill et qu’on les introduise plutôt à la langue et à la culture du Québec. Et c’est sans parler de notre soutien au programme de francisation des entreprises montréalaises, et des ponts que nous nous employons à construire entre les différents acteurs de la francophonie, soient-ils ou non de cette université.
Ce qui me désole, finalement, c’est que de votre tour qui n’est même pas faite d’ivoire mais plutôt d’un béton moche, vous méprisez ce que l’on tente de construire au lieu de vous y engager à nos côtés. Juger autrui est bien plus facile que de se juger soi-même. Après tout, les Québécois ne fonderont la nation dont ils se réclament que par des actes.
Ces impératifs qui émanent de la condition du français au Québec, ce qu’ils commandent, c’est de naviguer dans cette complexité ; et non pas de s’enfermer dans une forme d’autarcie culturelle. Le Québec d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a 30 ans ; la culture est par définition même dynamique, vivante, et il faut en tenir compte.
Saint-Exupéry disait : « Dans la vie il n’y a pas de solutions ; il y a des forces en marche ; il faut les créer et les solutions suivent. ».
Ainsi, si l’heure du dialogue n’est plus la vôtre, c’est un choix qui vous appartient. Je ne me ferai pas non plus apôtre d’un multiculturalisme aseptisant. Il faut savoir dire « Non » ; et il faut enfin percer la « McGill bubble ».
En revanche, c’est par un brin d’amour-propre mais surtout en partageant notre amour de la culture québécoise et de sa langue qu’on mobilisera les forces nécessaires à de véritables changements, celles indispensables à la pérennisation d’un Québec francophone. Ce n’est certainement pas en brandissant l’étendard du repli sur soi.
En effet, les années passent et les choses changent. Et justement, tout n’est pas si gris. Les astres semblent même s’aligner en faveur de la francophonie à McGill. L’écosystème francophone de notre université s’organise, prépare son calendrier de l’année prochaine, et jamais l’administration n’y a été aussi réceptive.
Prennent donc forme les contours d’un véritable changement. L’OFM s’engage.
Le serez-vous avec elle ?
-Christophe Savoie-Côté