Du 28 mars au 1er avril, le Théâtre Mainline s’est vu secoué d’un horrible événement : la mort de Lucie. Ses proches, mais aussi ses fans sont sous le choc. Après des jours de teasing, le public se demande donc : mais qui a tué Lucie ? Il s’agit d’une enquête signée Franc-Jeu, avec une mise en scène presque millimétrée, alliant art dramatique au premier plan, des toiles pour agrémenter le décor, mis en avant par les jeux de lumière, et même un peu de musique.
Suspense et tourments
Il n’y a pas de doute, dès le début de la pièce, le spectateur est transporté dans un univers qui s’approche du polar. Tous les éléments sont présents : la mort brutale d’une célébrité, un enquêteur désabusé, une journaliste assez extravagante. Sauf que toute l’intrigue de la pièce se base sur un imprévu : le meurtre n’était pas prémédité. Ainsi, le public assiste pendant une heure et demie à la chute de Philippe, hanté par le souvenir de sa compagne, tourmenté par son entourage, et qui finit par craquer.
Les différentes réactions des personnages face à la mort de Lucie sont frappantes. Chacun a sa manière de faire son deuil, car tous n’entretenaient pas le même rapport avec Lucie au départ. Autant sa famille et ses proches sont particulièrement touchés, autant l’enquêteur et la journaliste ont un regard différent, moins sensible. C ’est donc selon ces différentes afflictions que l’intrigue évolue.
Un autre aspect intéressant de la pièce repose sur les relations que les différents personnages entretiennent entre eux : l’enquêteur ne se comporte pas avec Mona, la journaliste, comme il se comporte avec Philippe, qui vient de perdre sa compagne.
Déconstruction humaine
Ce drame permet également de mettre à jour des aspects difficiles du quotidien de chacun. Lors de la mort de Lucie, les médias sont omniprésents : Lise, sa mère, préfère exprimer son deuil sur ces plateformes qu’avec la sympathie de son mari, Marcel, ou même la page Facebook de Lucie qui continue de hanter Philippe. Impossible de le nier : les médias sont tout le temps là, et ils continuent d’avoir un impact même dans la mort. Toute la situation prend des proportions énormes, comme lorsque la messe d’enterrement est diffusée en direct pour les fans de Lucie qui ne peuvent pas y assister. Au final, cette médiatisation joue un rôle indéniable dans la descente aux enfers de Philippe, et les terribles conséquences qu’elle entraîne.
L’envers du décor
Franc-Jeu, c’est aussi bien plus que du théâtre. La mise en scène de la pièce ne s’arrête pas au jeu d’acteur. Sur un mur du décor, un changement de tableau permet de comprendre que le lieu change, de manière simple et efficace. Ceux-ci ont d’ailleurs pour la plupart été peints à la main, spécialement pour cette pièce. À cela sont rajoutés les éclairages qui permettent de jouer avec l’ambiance. Cela va de la lampe vacillante aux vitraux d’une église, tout en passant par les gyrophares d’une voiture de police. Ces éléments permettent d’apporter une autre dimension à la scène, dimension qui est dans une certaine mesure devenue l’empreinte que Franc-Jeu laisse sur le monde du théâtre étudiant francophone.