Cette semaine, où chacune et chacun s’apprête à prendre ou à reprendre sa place sur le campus, l’on entendra sans doute que l’Université brille par la diversité de son corps étudiant et des disciplines qui y sont enseignées. Mais cette diversité ne perd-elle pas sa valeur si les différentes entités qui la constituent se côtoient sans se connaître ?
Si le dialogue entre les disciplines à l’intérieur d’une même faculté reste envisageable et encouragé, bien plus que dans le système universitaire français par exemple, le débat entre les différentes facultés reste rare. Pourtant, en dehors de l’université, les disciplines s’entrecroisent, nulle action, nulle recherche d’une personne ne se déploie en étant isolée de celles des autres.
Cependant, en cours d’anthropologie, il est fréquent de critiquer les modèles d’objectivité et de rationalité ainsi que les méthodes scientifiques souvent pris pour acquis dans les sociétés occidentales, sans que les élèves de science puissent voir, au sein de leur programme, leurs croyances confrontées. Les élèves de commerce apprennent par coeur des formules toujours plus complexes en cours de finance alors même que ceux et celles du programme d’environnement s’attachent à les déconstruire en montrant les dégâts environnementaux qu’une foi sans faille en eux provoque.
Aussi, notre quotidien est de plus en plus personnalisable : publicités ciblées, phénomènes de bulles sur les réseaux sociaux, replis identitaires, etc. L’entre-soi est aussi confortable qu’il peut être dangereux : il semble crucial de continuer à essayer de dialoguer. Le dialogue interdisciplinaire est aujourd’hui plus crucial que jamais : il faut faire se croiser les connaissances, venant notamment des sciences — dites — humaines et des sciences — dites — naturelles pour mieux sentir les causes et les potentielles conséquences de nos choix et de nos croyances. Nombreux s’accordent à dire qu’il en va de la survie de notre espèce, pour transitionner vers des modes de vies moins destructeurs pour les territoires dans lesquels elles s’inscrivent. Partager ses connaissances et son témoignage est aussi essentiel pour faire appréhender les risques de hausse des tensions que la crise environnementale va sans doute engendrer.
En ce sens, la presse étudiante tient un rôle essentiel : celui de partager à ses lectrices et ses lecteurs des informations variées, venant diversifier les connaissances récoltées sur les bancs et les slides de l’Université. Celui aussi de permettre à chacun de s’habituer à parler en son nom en mobilisant ses connaissances pour développer une réflexion personnelle, et éviter par là les écueils du « par coeur » et du bachotage. Enfin, la presse étudiante permet de ne pas prendre pour acquis, de prendre de la distance par rapport à l’institution mcgilloise face à laquelle nous sommes en général dans une posture passive de réception du savoir.
Mais, pour dialoguer, encore faut-il qu’il y ait des voix. Le Délit s’attache à diffuser celles que l’on n’entend — presque — jamais sur le campus de McGill, celles de la communauté francophone. Sur plus de 20 900 élèves au premier cycle, plus de 8 200 ont le français pour langue maternelle. Si près de 20% des élèves de tous les cycles parlent français, et que l’Université est installée dans une province où le français est la seule langue officielle, la majorité des ressources et des rapports de l’administration ne sont toujours pas, ou mal traduits. Le Délit s’évertue à la fois à palier et à dénoncer le manque de représentation des personnes francophones.