Aller au contenu

Kanata et la controverse

Un nouveau coup de théâtre pour la pièce de Robert Lepage, de retour à Paris.

Michel Laurent, Théâtre du Soleil

Suite à la décision initiale d’annuler le projet théâtral Kanata de Robert Lepage due à la pression sociale et aux controverses alimentées par les médias ainsi que différents acteurs de la communauté autochtone, celui-ci revoit le jour au Théâtre du Soleil à Paris. Rappelons-nous que la pièce a été sous les feux des projecteurs en raison des polémiques entourant l’absence de comédiens autochtones quand cette même pièce vise à présenter une version de l’histoire du Canada à travers les relations entre les colons et les Premières Nations. Dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir, des membres de la communauté autochtone indiquent qu’ils se sentent « invisibles » :

« L’un des grands problèmes que nous avons au Canada, c’est d’arriver à nous faire respecter au quotidien par la majorité, parfois tricotée très serré, même dans le milieu artistique. Notre invisibilité dans l’espace public, sur la scène, ne nous aide pas. Et cette invisibilité, madame Mnouchkine et monsieur Lepage ne semblent pas en tenir compte, car aucun membre de nos nations ne ferait partie de la pièce. Nous ne souhaitons pas censurer quiconque. Ce n’est pas dans nos mentalités et dans notre façon de voir le monde. Ce que nous voulons, c’est que nos talents soient reconnus, qu’ils soient célébrés aujourd’hui et dans le futur. »

Cette lettre est signée par près de vingt autochtones, dont l’auteure Maya Cousineau Mollen, la réalisatrice Kim O’Bomsawin, et André Dudemaine, directeur de Terre en vue, un groupe qui fait la promotion de la culture autochtone et organise le festival annuel des Premières Nations.

L’arrivée du Théâtre du Soleil

Dans un communiqué de presse, le théâtre parisien annonce «[avoir] décidé, en accord avec Robert Lepage, de poursuivre avec lui la création du spectacle et de le présenter au public aux dates prévues, sous le titre « Kanata – épisode 1 : La controverse ». De son côté, Ex Machina, la compagnie de Robert Lepage, indique que le Théâtre du Soleil financera lui-même la pièce. En tant que directeur, Robert Lepage s’investira personnellement dans le projet sans profiter d’un cachet quelconque. Selon ce même communiqué, ce n’est qu’après la représentation du spectacle que ses détracteurs seront en mesure de le juger et le critiquer, quitte à en appeler à la sanction suprême, à savoir la « désertion de la salle. » 

Le communiqué du Théâtre du Soleil ne précise cependant pas si le spectacle sera présenté au Canada. L’avenir nous dira ce qui adviendra de cette pièce, mais les tenants du travail de Lepage pourront se réjouir de voir la créativité de l’artiste démuselé, lui qui avait déploré que son travail soit accusé d’ « appropriation culturelle » car la distribution était intégralement blanche. 

Un message encore mal compris

L’artiste multidisciplinaire autochtone Émilie Monnet déplore tout de même le fait que plusieurs malentendus demeurent. Ayant signé la lettre ouverte et participé à la rencontre du 19 juillet, elle rappelle que les autochtones n’ont jamais demandé l’annulation du spectacle. « Malheureusement, malgré l’écoute de Robert Lepage et Ariane Mnouchkine, le public n’a pas vraiment entendu notre point de vue », témoigne celle qui prépare Okinum (« barrage » en anishnabemowin), qui sera présenté à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en octobre. « Le danger, c’est de répéter la même histoire qui exclut notre vision des choses, surtout quand il est question de sujets délicats comme les pensionnats et la disparition 


Articles en lien