Dans le cadre de la Semaine de sensibilisation aux cultures autochtones, quatre panelistes ont pris part à l’événement « Démanteler le racisme dans la santé et l’éducation » organisé par le Programme autochtone des professions de la santé de McGill. Le but étant de trouver des solutions aux problématiques vécues par les peuples autochtones dans les institutions de la santé et de l’éducation, trois femmes issues des Premières Nations ainsi qu’un « allié » (nom donné à un individu reconnaissant son privilège en ce qui concerne une certaine injustice, mais étant déterminé à la combattre) ont pris la parole.
Manque d’accès aux soins de santé
Tania Dick, infirmière Kwakwaka’wakw, a commencé avec le manque de soins de santé apportés aux communautés autochtones habitant dans les territoires éloignés des métropoles. Basée en Colombie-Britannique, elle considère les infirmier·ère·s comme étant le pilier du système de santé, d’où l’importance de travailler ensemble afin de parler de la problématique du racisme. Elle raconte l’histoire de Brian Sinclair, un homme autochtone de 45 ans, décédé en 2008 à Winnipeg après avoir attendu 34 heures aux urgences sans être vu par un médecin. Les responsables supposant qu’il était ivre et simplement endormi, c’est le racisme et les stéréotypes qui ont réellement causé cette négligence professionnelle. « Chaque communauté a au moins un Brian Sinclair », a conclu Tania Dick, ajoutant que sa propre tante est décédée dans des circonstances similaires dans un hôpital local.
Abordant ensuite le thème de l’humilité culturelle, Wanda Gabriel, travailleuse sociale Mohawk, a exprimé la nécessité de « décoloniser nos esprits et d’accepter la réalité du racisme », puisqu’il y a encore selon elle beaucoup de déni autour de la question. « Nous ne pouvons pas avoir cette conversation sans inconfort et maladresse », a‑t-elle lancé à l’audience, précisant que 400 ans de génocide culturel ont dépouillé les personnes autochtones de leur identité. Ce phénomène aurait également créé une supériorité internalisée chez les descendants des colons, encore présente aujourd’hui, ainsi qu’une infériorité internalisée chez les Premières Nations. Dans sa pratique, Wanda Gabriel combine les théories du travail social avec les méthodes de guérison autochtones, créant un espace rassurant pour ses patients.
Introduisant finalement le terme de la « défiance protectrice », Suzy Goodleaf, psychologue Mohawk, a expliqué que les personnes opprimées ont souvent une réaction négative envers des institutions telles que le système de santé. L’absence aux rendez-vous, par exemple, ou le silence face aux professionnels, se convertissent en mécanismes de défense. « Il est fondamental de reconnaître les Premières Nations comme étant un peuple différent afin de développer une approche familiale et communautaire pour mieux les servir ». Le diabète, par exemple, touche de trois à cinq fois plus les individus vivant dans les réserves autochtones, démontrant que le contexte social dans lequel vivent les populations joue un rôle important dans leur état de santé.
Le racisme dans la médecine
C’est le Dr. Saleem Razack, médecin en soins intensifs pédiatriques, qui a terminé la conversation en tant qu’allié. Reconnaissant son statut de personne de couleur, il a discuté de l’influence du racisme structurel alors que la médecine continue de jouer un rôle dans l’oppression des personnes autochtones. Il donne l’exemple des céréales pour nourrissons Pablum, expliquant que la recherche ayant amélioré leur apport en vitamines a été faite à l’Université de Toronto, à partir d’études sur des enfants autochtones affamés. Il est donc crucial selon lui que l’histoire de la recherche médicale soit correctement enseignée afin de pouvoir reconnaître le tort causé aux communautés.
Débattre pour combattre
Comme l’a conclu Wanda Gabriel dans son mot de la fin, c’est seulement au moyen d’une conversation ouverte sur le racisme que l’oppression pourra être vaincue. La formule « ne parle pas, ne confie pas et ne ressens pas », si familière pour les personnes opprimées, doit changer afin d’améliorer l’expérience autochtone dans les systèmes de santé et d’éducation canadiens.