Sans contredit, depuis le début de la campagne électorale, la question de l’immigration et de la capacité d’intégration divise les partis politiques. Celui qui en a fait son principal cheval de bataille est incontestablement François Legault, chef de la Coalition avenir Québec (CAQ). Rappelons ses principales prises de position au sujet de l’immigration :
Alors que notre province a ouvert ses bras à près de 52 000 nouveaux arrivants, François Legault promet d’abaisser le seuil d’immigration à 40 000. Pour ce faire, il affirme vouloir diminuer de 20% le nombre d’arrivants dans les trois catégories d’immigrants, soit l’accueil des réfugiés, le regroupement familial et l’immigration économique.
Il souhaite également soumettre les nouveaux arrivants à un test de connaissances du français et des valeurs québécoises, trois ans après leur arrivée, comme condition d’obtention du Certificat de sélection du Québec (CSQ).
Quand le sage désigne la lune…
Alors que Legault nous sermonne le même refrain sur l’immigration en évoquant la crainte que « nos petits-enfants ne parlent plus français », il ne fait que trébucher lorsqu’il est question d’expliquer clairement le processus d’immigration au Canada.
Primo, le 15 septembre, lors d’un point de presse, alors qu’un reporter lui a posé une question portant sur l’obtention de la citoyenneté, il a répondu avec hésitation que cela prenait « quelques mois » pour un résident permanent de devenir citoyen canadien. Or, au moins trois ans sont requis au cours des cinq années précédant le dépôt de la demande.
Secundo, il semble oublier — ou plutôt ignorer — que la catégorie de la réunification familiale et celle des réfugiés relèvent de la compétence exclusive du gouvernement fédéral. Par ailleurs, rappelons que le dossier des réfugiés est géré par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, un tribunal indépendant et de juridiction fédérale.
Tertio, qu’adviendra-t-il des immigrants qui échouent les tests de français et de valeurs québécoises ? Selon Legault, ils seront en situation irrégulière sur le sol québécois. Mais le chef caquiste peinait à comprendre — jusqu’à son réveil récent — est que le Québec ne dispose pas de l’autorité pour expulser les sans-papiers : seule l’Agence des services frontaliers du Canada a compétence en matière de renvois des illégaux. Legault promet alors de négocier avec Ottawa en martelant que Justin Trudeau « n’aura pas le choix d’accepter les propositions du Québec » en vue des élections fédérales en 2019. Difficile d’imaginer Trudeau acquiescer aux demandes de Legault, lui qui souhaitait la bienvenue au sol canadien « à ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre » au lendemain de l’adoption du décret signé par Donald Trump, interdisant aux citoyens de sept pays de mettre les pieds aux États-Unis.
Doit-on pardonner à Legault de ne pas gagner « Génies en herbe » ?
Non. C’est assez consternant de voir un candidat qui aspire à occuper le poste de Premier ministre faire de la baisse de l’immigration l’une de ses mesures phares, et ne pas se soucier de maîtriser ou non le « b.a.-ba » de ce dossier. Cette incompétence témoigne malheureusement d’un manque d’intérêt vis-à-vis un sujet aussi délicat et important que l’immigration. Alors que les Québécois et Québécoises ont soif de changement et que la CAQ mène toujours dans les sondages, ces premiers seraient-ils prêts à remettre leur avenir entre les mains d’un parti aussi incohérent que la CAQ ?