Aller au contenu

Le mythe des voitures électriques

La bouée de sauvetage de nos bonnes consciences ?

Béatrice Malleret | Le Délit

Alors que le gouvernement québécois a récemment annoncé le renouvellement du projet pilote qui subventionne l’acquisition de voitures électriques, la popularité de ces engins semble gagner chaque jour un souffle nouveau. « Propre », « zéro déchet », « zéro émission », promue comme le moyen de transport du futur, cette voiture semble être le compromis parfait entre intérêt individuel et collectif. Qu’il est bon d’être un·e citoyen·ne responsable, de pouvoir se déplacer tout en participant au sauvetage de notre chère planète. Pas vrai ?

De l’importance de l’électricité

Aérodynamiques, légères, silencieuses, sans combustion de carburant et à la fine pointe de la technologie : oui, sur la route, ces voitures sont véritablement zéro émission. Mais lorsqu’elle recharge dans notre garage, c’est une autre histoire. Michael Moyer, dans son article « The Dirty Truth about Plug-In Hybrids », explique que les conséquences environnementales des voitures électriques dépendent majoritairement des sources dont proviennent l’électricité qu’elles utilisent. Car l’impact carbone de l’électricité varie considérablement en fonction de la situation géographique : dans les zones où elle provient de la combustion de carbone, comme dans l’État de l’Illinois (74%), cet impact est très haut, et l’utilisation d’une voiture électrique implique une quantité de CO2 rejetée dans l’atmosphère supérieure à celle des voitures traditionnelles. Au Canada, où 66% de l’électricité produite provient de sources renouvelables — ce taux atteignant plus de 80% au Québec — l’utilisation d’une voiture électrique peut faire une différence.

Mais là encore, ne nous réjouissons pas trop vite. Lorsque l’électricité a un faible impact carbone, cela ne veut pas dire que ses dégâts environnementaux sont nuls. Au Québec, les dégâts recensés par les études gouvernementales vont de l’émission d’oxyde d’azote et de dioxyde de soufre (responsable du smog, de pluies acides, de l’émission de particules fines), aux émissions de CO2, de mercure, de méthane, sans oublier la destruction de la biodiversité des cours d’eau, et la disruption des écosystèmes liés à la production d’hydroélectricité. Leur ampleur est difficilement recensable, mais les données sont suffisantes pour comprendre que toute énergie créée n’est pas sans coût écologique, et n’est certainement pas « zéro déchet » ni « zéro émission ». Son degré de « propreté », comparé à celui des énergies fossiles, est donc à relativiser.

Une fausse solution 

Il nous reste encore à évoquer les multiples autres problèmes liés à la production et  l’utilisation des voitures électriques. Pour commencer, leur coût environnemental de production (en équivalent carbone) est, selon l’ADEME, le double de celle des voitures conventionnelles en raison de la technologie requise pour la production des batteries. Leur émission abondante de particules fines, responsables de l’augmentation de maladies pulmonaires et troubles respiratoires, est également facteur d’un important coût social et médical. Enfin, promouvoir l’utilisation de voiture électriques, c’est entretenir une conception individualiste des transports, au lieu d’encourager des initiatives de transports communs ou partagés, ou encore d’engager un retour aux initiatives locales.

« (…) nous alimentons encore le dangereux mythe d’un sauvetage par la technologie. »

Telle est donc la décevante vérité : les voitures électriques sont la marque d’un progrès relatif, temporaire et insuffisant face à l’effondrement environnemental. En les présentant comme solution, ne serait-ce qu’à l’épuisement des ressources énergétiques qui nous attend, nous alimentons encore le dangereux mythe d’un sauvetage par la technologie. 

La seule chose que l’on sauve ainsi, c’est notre conscience, afin de pouvoir continuer à ignorer le véritable problème : nos modes de vie, de consommation et de société sont insoutenables.


Articles en lien