Vendredi 26 octobre a eu lieu au Musée des Beaux-Arts de Montréal une série de conférences organisées par le journal français Le Monde, en collaboration avec Le Devoir. De nombreux sujets politiques et sociétaux, communs à la France et au Québec, ont été abordés, révélant tantôt une pensée commune, tantôt des conceptions divergentes d’un côté et de l’autre de l’Atlantique.
Le panel sur l’héritage et les conséquences du mouvement #MeToo s’inscrivait dans cette méthode d’étude comparée. En effet, les thèmes du féminisme, du harcèlement, de la séduction et de l’égalité femmes-hommes qui ont été abordés — parmi bien d’autres — par les quatre panélistes ont laissé paraître des influences nationales ou provinciales ainsi que, bien sûr, des prises de position individuelles.
#MeToo, prise de conscience ?
Créé il y a un an aux États-Unis à la suite d’une vague de témoignages de femmes ayant subi des agressions sexuelles de la part du producteur hollywoodien Harvey Weinstein, le mouvement #MeToo s’est propagé comme une trainée de poudre, dépassant largement la sphère élitiste du cinéma américain, permettant ainsi à des milliers de survivantes à travers le monde de se faire entendre. Si les quatre panélistes ont reconnu l’impact et la portée de #MeToo, elles ont cependant débattu des résultats tangibles du mouvement.
Pour Eva Illouz, sociologue française, le fait que beaucoup d’hommes craignent désormais d’être la cible d’une accusation, teintant chacune de leur interaction avec une femme de peur et de paralysie, prouve que la prise de conscience nécessaire au changement est pour beaucoup loin d’être acquise. #MeToo a néanmoins considérablement aidé, comme le souligne Mélanie Lemay, cofondatrice de Mouvement Québec contre les violences sexuelles, à déplacer le sentiment de honte des survivantes vers les agresseurs. Un double mouvement semble alors devoir s’opérer : les femmes victimes devraient pouvoir obtenir l’espace et les ressources pour parler et être entendues, tandis que les hommes doivent prendre conscience de l’ampleur des agressions sexuelles perpetrées envers les femmes et se positionner comme alliés plutôt que comme potentiels accusés.
Des réactions divergentes
Diane Guibault, vice-présidente de l’association Pour les droits des femmes du Québec, a souligné, lors d’une intervention, l’écart des réactions entre la France et le Québec face à #MeToo. Ici, le mouvement a servi de catalyseur, donnant naissance à #EtMaintenant qui exige des changements concrets aussi bien de la part des institutions que des individus. En France, #MeToo a été suivi de #BalanceTonPorc, une plateforme permettant de révéler publiquement les actes de harcèlement et d’agressions sexuelles, ainsi que leurs auteurs. Cependant, une voix s’est élevée contre #MeToo dans une tribune publiée dans Le Monde, signée par une centaine de personnalités françaises revendiquant « la liberté d’importuner, nécessaire à la liberté sexuelle ». Cette réaction dénote un rapport à la sexualité et à la séduction qui est encore enlisé dans des carcans paternalistes et sexistes, preuve, selon l’écrivaine française Belinda Cannone, que l’égalité dans la vie sexuelle n’est pas encore acquise. Diane Guibault a estimé que sur ce point, le Québec est bien plus avancé, car il n’existe pas ce rapport de « similiséduction » qui régit tant de relations femmes-hommes en France, aussi bien dans la sphère professionnelle que privée.
Un changement systémique
Au fil du débat, la discussion s’est élargie et éloignée quelque peu de #MeToo pour pointer du doigt le système économique et politique fondé sur des principes masculinistes, et donc source d’une domination sexuelle encore trop présente aujourd’hui. Si la plupart des panélistes semblaient optimistes quant aux progrès en cours de réalisation pour la cause des femmes, elles ont toutefois souligné que le populisme croissant de manière exponentielle partout dans le monde, qui est par essence misogyne et patriarcal, est un combat de taille auquel le féminisme actuel va devoir se confronter.