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L’impasse du NPD au Québec

Chaque semaine, Le Délit analyse un aspect de la politique québécoise.

Luce Engérant | Le Délit

Lors des élections fédérales de 2011, le Québec a surpris le reste du Canada en accordant 59 sièges aux néo-démocrates, propulsant ainsi le parti vers l’opposition officielle. Cette « vague orange » représentait une percée sans précédent ; durant toute son histoire, le NPD n’avait réussi à faire élire qu’un seul député au Québec. Outre le charisme du chef de l’époque Jack Layton, deux éléments pouvaient expliquer cette poussée de fièvre au Québec. Premièrement, l’espoir de plusieurs électeurs libéraux de faire élire des députés progressistes malgré les déboires de leur parti et la grande impopularité de leur chef, Michael Ignatieff. L’impact de ces électeurs fut particulièrement déterminant à Montréal, où plusieurs lieux historiques concentrant des milieux privilégiés, y compris dans l’ouest de l’île, passèrent au NPD. Deuxièmement, il y eut le changement d’allégeance de plusieurs électeurs souverainistes et progressistes qui avaient voté pour le Bloc québécois dans les années précédentes, eux aussi emballés par la montée de ce parti progressiste. Cette masse d’électeurs fit basculer la plupart des régions du Québec, auparavant bloquistes, sous le giron du NPD. Cette entente improbable entre progressistes fédéralistes et souverainistes fut rendue possible par l’absence de position claire du NPD au sujet de la question québécoise. 

À l’approche des élections fédérales de 2019, les néo-démocrates font face à une situation totalement différente. Déjà aux élections de 2015, la plupart des circonscriptions arrachées aux libéraux étaient redevenues rouges, à cause des résultats encourageants du parti de Justin Trudeau dans les sondages. La division du vote fédéraliste entre les libéraux et les néo-démocrates a aussi permis à plusieurs candidats bloquistes de remporter des sièges même si leur parti avait baissé dans les sondages depuis 2011. Cette année, le NPD est encore plus bas dans les sondages : à 12% au Québec, il est possible qu’il n’y gagne aucun siège. Le chef, Jagmeet Singh, est en outre particulièrement impopulaire auprès des Québécois. La circonscription de Rosemont—La Petite-Patrie, tenue par le lieutenant québécois du parti Alexandre Boulerice, pourrait être la seule à rester dans le giron du parti lors des futures élections qui seront à venir. 

Le NPD fragilisé

À court terme, deux événements importants pourraient fragiliser encore plus la position du NPD au Québec. Premièrement, l’élection partielle dans la circonscription d’Outremont, celle-là même qui avait donné au NPD son premier siège au Québec en 2008, est prévue pour 2019. Avant 2008, la circonscription n’avait voté qu’une seule fois pour un parti autre que le PLC, mais Thomas Mulcair, ancien ministre du gouvernement provincial de Jean Charest, représentait un choix décent pour les électeurs traditionnellement libéraux qui ont choisi de lui faire confiance. Tout indique, cette année, que les électeurs d’Outremont retourneront avec une majorité écrasante au Parti libéral ; même Alexandre Boulerice a reconnu que la défaite était probable. La perte d’Outremont représentera une immense défaite symbolique pour les néo-démocrates, et puisqu’il s’agit d’une élection partielle, elle devrait être largement médiatisée.

Deuxièmement, la rumeur court depuis quelques temps au sein du Bloc que des députés néo-démocrates devraient rejoindre ses rangs. Comme pour le confirmer, cette semaine, trois députés néo-démocrates ont appuyé à la Chambre des communes une motion du Bloc sur l’interculturalisme, brisant la ligne de leur parti à ce sujet. Le passage de ces députés au Bloc semble un scénario plus que plausible ; le parti souverainiste, même s’il est en pleine période de crise, reste quand même, avec ses 14% dans les sondages et son vote beaucoup plus localisé, un meilleur véhicule politique que le NPD pour les prochaines élections. Surtout, les trois députés qui ont appuyé la motion bloquiste viennent de régions ayant voté en grande proportion pour la CAQ et pour le PQ le 1er octobre dernier : peu importe leurs réelles intentions, ils doivent savoir que cela pourrait leur permettre de sauver leurs sièges et d’échapper à la mort annoncée du NPD au Québec. Le Bloc aurait également tout à y gagner, puisqu’il ne lui faudrait que deux nouveaux députés pour retrouver son statut de parti officiel, et dès lors, une partie importante du financement public qu’il recevait autrefois.

Si ces deux nouvelles se concrétisent et qu’il ne remonte pas dans les sondages, le NPD pourrait donc avoir de sérieuses difficultés à convaincre les Québécois que voter orange en vaut encore la peine. Cela marquerait la fin, au moins à court terme, de l’aventure néo-démocrate au Québec. La prochaine campagne leur sera donc déterminante.


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