Le plus grand privilège venant avec le pouvoir a longtemps été le droit de vivre ou de donner la mort. Aujourd’hui, ce pouvoir sur la vie peut facilement être associé au devoir du policier. Selon Michel Foucault, le rôle de la police à partir du 17e siècle, « c’est [d’] assurer la splendeur de l’État ». En d’autres termes, elle doit maintenir la beauté de l’ordre par l’éclat de la force. Cependant, cette définition n’est pas complète et actuelle. Effectivement, la police a un second mandat : elle doit également maximiser la croissance des forces de l’État. C’est ainsi que la police a historiquement été, en tant qu’institution de pouvoir, un facteur clé pour contrôler les populations ; ce processus est au cœur de ce que Foucault appelle le biopouvoir. Pour démontrer l’ampleur du pouvoir policier, il faut connaître leur rôle au sein de l’État et de la société.
Lors des leçons de « Sécurité, territoire, population » données au Collège de France en 1978, Michel Foucault présentait « les objets dont la police prétend désormais s’occuper » : le nombre de citoyens, les nécessités de la vie, la santé, les métiers et la circulation. D’abord, puisque la force d’un État est intimement liée à son nombre d’habitants, la police doit savoir combien de citoyens vivent sur le territoire et agir de façon à maximiser leur nombre. Pour assurer leur survie, elle surveille et contrôle la commercialisation et la qualité des denrées lors de leur mise en vente. Pour qu’un être humain puisse travailler et être utile à l’État, il doit non seulement pouvoir subvenir à ses besoins fondamentaux, mais il doit également être en bonne santé. La police doit donc s’assurer que l’espace urbain soit propre, ordonné et ne soit pas propice à la prolifération de maladies. Maintenant que les citoyens peuvent exercer leurs métiers en santé, la police doit les réglementer et « mettre au travail tous ceux qui peuvent travailler, c’est la politique à l’égard des pauvres valides. Ne subvenir qu’aux besoins des pauvres invalides. » En contrôlant les métiers des citoyens, la police encadre la production industrielle de façon à ce que l’État en bénéficie. Une fois les produits fabriqués, elle doit assurer leur bonne circulation en faisant l’entretien des routes commerciales. Cependant, la circulation n’est pas que la facilitation des transports, mais également un moyen pour empêcher les citoyens de se déplacer trop loin de leurs lieux de travail ou de quitter le territoire. En somme, assurer la splendeur de l’État, c’est augmenter sa force en contrôlant et surveillant toutes les sphères de l’activité humaine.
En contrôlant tous les aspects de la vie du citoyen, la police, en tant que mécanisme d’accroissement des forces de l’État, prend en charge la vie humaine.
En contrôlant tous les aspects de la vie du citoyen, la police, en tant que mécanisme d’accroissement des forces de l’État, prend en charge la vie humaine. La justice devient un appareil régulateur de l’État. Pour assurer le fonctionnement de ce dernier, la police doit « distribuer le vivant dans un domaine de valeur et d’utilité. » En d’autres termes, elle doit hiérarchiser les citoyens selon la valeur qu’ils peuvent apporter à l’État, s’ils sont valides ou non, riches ou pauvres, etc. En visant ainsi l’activité citoyenne tant que celle-ci a un rapport à l’État, en jouant sur la croissance du nombre de travailleurs et en maximisant leur utilité productive, la police obéit à un modèle économique. L’être humain n’est plus un animal politique comme l’entendait Aristote, mais plutôt « un animal dans la politique duquel sa vie d’être vivant est en question ». La police contribue donc au développement et au maintien du système capitaliste en prenant les citoyens comme de simples outils de production qui doivent être gérés et réprimés afin d’assurer la maximisation du capital. C’est la police au service du capitalisme.
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