Plusieurs centaines de personnes se sont réunies à la place Émilie-Gamelin à Montréal, ce mercredi 21 novembre, pour exprimer leur colère quant aux stages non rémunérés. Parmi elles se trouvaient une grande majorité d’étudiant·e·s, plusieurs d’entre eux elles étant en grève de leurs cours ou de leurs stages cette journée-là. Plus largement, environ 58 000 étudiant·e·s font partie d’associations ayant voté pour un ou plusieurs jours de grève dans la semaine du 19 au 23 novembre.
Les motivations
Des étudiant·e·s qui souhaitent devenir éducateur·trices spécialisé·e·s nous expliquent :
« Vous savez, notre stage final, c’est quatre jours complets par semaine de travail, donc on aimerait avoir un salaire symbolique. »
Selon un jeune homme, les gens sont découragés de travailler après avoir obtenu leur diplôme, car ils ont tellement de choses à faire qu’ils sont engorgés dans leur études et leur stage.
D’autres étudiant·e·s dénoncent le surmenage engendré par les stages professionnels tout en cumulant les études, sans avoir la garantie d’un salaire pour payer leur loyer ou des dépenses liées au cadre de vie. Une autre manifestante explique : « C’est impossible de faire son stage quatre jours par semaine, tout en payant son loyer, son épicerie… Certains ont des enfants, d’autres n’habitent plus chez leurs parents, certains stages sont faits de nuit alors c’est impossible de joindre les deux bouts. »
Son amie ajoute que les éducateurs·trices spécialisé·e·s doivent travailler jusqu’à 60 heures par semaine, ce qui rend les conditions pour étudier encore plus compliquées.
Quel est le message à envoyer au gouvernement ? Ils dénoncent le fait que le gouvernement délaisse les sciences humaines et les services sociaux. « La santé et les services sociaux sont des services essentiels et il faut que le gouvernement le comprenne, des grèves comme celles d’aujourd’hui, ça envoie un message fort ». Ils ajoutent que le gouvernement ne donne pas assez d’argent aux services publics.
La présence de McGill
Parmi les étudiant·e·s de l’Université McGill venu·e·s manifester, Zach Kleiner, représentant de l’École de travail social de l’Université McGill, nous explique que « Notre travail au sein de l’aide sociale n’est pas du tout considéré, c’est pour ça que nous sommes venus aujourd’hui pour suivre les étudiant·e·s des universités francophones qui se battent pour la même chose que nous. Nous souhaitons défendre les étudiant·e·s en situation précaire. »
Quant à sa réaction face au courriel envoyé par Nico Trocmé, le directeur de l’École de travail social, il déclare que « c’était vraiment décevant, car l’administration a refusé d’annuler les cours et d’être solidaire avec les étudiant·e·s : elle s’est totalement désolidarisée de la Faculté.
F**k l’administration pour ne pas soutenir les étudiants de la Faculté, les gens qui ont des enfants et tous ceux qui sont dans le besoin ».
Malgré tout, les étudiant·e·s ont été nombreux·euses à soutenir le mouvement et Kleiner se félicite de ce soutien de la part de diverses facultés, comme la Faculté des Arts.
Ce qu’en dit la loi
Si les étudiant·e·s clament que tout travail mérite salaire, qu’en est-il du point de vue légal ? La Loi sur les normes du travail établit que tout travail, c’est-à-dire toute tâche exécutée sous un lien de subordinnation entre un employé et un employeur, doit être rémunéré. « Peu importe si on remplace [le travail d’un employé] ou pas, s’il y a une prestation de travail, qui n’est pas de l’observation, qu’il y a un lien de subordination et qu’on est en train d’accomplir des tâches, on doit être payé au salaire minimum. La loi est assez claire. », expliquait Me Félix-Antoine Michaud en avril 2017 à Radio-Canada.
Toutefois, certaines exceptions existent, notamment en ce qui concerne les stages. En effet, le site gouvernemental Éducaloi indique que « le stagiaire d’un programme de formation professionnelle reconnu par une loi, par exemple un stagiaire en droit ou en comptabilité » n’est pas tenu de bénéficier du salaire minimum. Une zone grise semble donc exister pour considérer ce qui est un travail et ce qui ne l’est pas, comme le laissait entendre Me Michaud. En effet, certains stages qui ne sont pas des stages obligatoires dans le cadre d’une formation professionnelle ne sont pas payés, par exemple dans le domaine des communications.
Du côté du gouvernement
Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur sous le nouveau gouvernement caquiste de François Legault, a invité les étudiant·e·s en grève à « rentrer en classe » au début de la semaine, affirmant que le gouvernement était déjà à l’écoute des demandes du milieu étudiant et que le dossier ne pouvait pas être traité plus vite. Le gouvernement dit désirer avoir un portrait complet de la situation avant d’agir.