L’opéra Champion est unique en son genre. Cette création composée en 2013 par le trompettiste Terence Blanchard et écrite par Michael Cristofer défie tous les standards. Cette pièce a le mérite de diversifier l’offre habituelle et d’ouvrir l’Opéra de Montréal à un nouveau type de public. Lors de la représentation du 26 janvier, enfants, adolescents et jeunes adultes étaient présents en grand nombre. L’utilisation d’un langage populaire et parfois même grossier contraste avec l’institution de l’opéra de manière singulière, mais est à la fois très intéressante. Il était très plaisant de voir un tel amalgame dans cette salle.
Griffith au cœur de l’œuvre
Cette œuvre est centrée autour de la vie d’Emile Griffith, un ancien champion mondial de boxe qui était bisexuel dans une époque où cela était proscrit. L’opéra le présente dans trois différents moments : lors de son enfance difficile aux Îles Vierges, au cours de sa vie adulte et, enfin, pendant ses dernières années. Il souffre alors de multiples lésions cérébrales dues à ses nombreux combats et à une attaque qu’il a subie à cause de sa sexualité vers la fin de sa carrière.
Sous la direction artistique de Michel Beaulac, l’impressionnante distribution a su charmer le public. Le talent était manifestement présent en abondance sur scène. Chaque voix était riche et délivrait bien l’intention du texte. Arthur Woodley, dans le rôle d’un Emile Griffith vieillissant, est particulièrement saisissant. Malgré ses 70 ans, son chant était puissant et son interprétation était troublante d’authenticité. Il fut vraiment la vedette de cette œuvre.
Mélange réussi ou confus ?
Cet opéra, quoique très divertissant, devient peu à peu oppressant à mesure que l’intrigue se développe. Le fait d’aborder autant de thèmes tels que la sénilité, le succès, l’homophobie et même le meurtre en une seule pièce, à mon avis, entraîne une certaine confusion. Bien qu’il s’agisse de la véritable histoire du boxeur Emile Griffith, l’accumulation de ces sujets fait que l’on perd de vue l’objectif principal visé par les créateurs de cette pièce.
De plus, même si le mélange entre opéra et jazz, de même que l’utilisation d’un langage plus familier en langue anglaise, peuvent sembler rendre l’œuvre plus accessible, j’ai un doute quant au résultat. Le chant lyrique et les airs de jazz complexes font que la musique n’est pas nécessairement plus facile à écouter qu’un opéra classique. Il y a également peu d’airs marquants dans la pièce. En fait, ce qui m’a touchée le plus ne fut pas, comme à mon habitude, une mélodie particulière, mais bien une phrase magnifique qui porte à réfléchir : « I killed a man and the world forgives me. I loved a man and the world wants to kill me (J’ai tué un homme et le monde me pardonne. J’ai aimé un homme et le monde veut me tuer, ndlr). » Malgré toutes les réserves que j’ai eues, il valait la peine d’assister à la représentation, ne serait-ce que pour cette citation.