Le 25 janvier dernier a eu lieu la Conférence sur le Commerce Durable de Desautels (Desautels Business Conference on Sustainability) organisée par le DSN (Desautels Sustainability Network) et le MUS (Management Undergraduate Society) à laquelle 26 conférencier·ères ont témoigné de leurs expériences dans les milieux politiques, entrepreneuriaux ou universitaires, liés au monde du développement durable. Tou·te·s étaient réuni·e·s autour d’un sujet : comment faire des entreprises les acteurs d’un impact social et environnemental positif et réconcilier la fracture tacite entre éthique et profit ?
Une des discussions majeures était animée par quatre responsables des affaires environnementales et sociales de grandes entreprises comme Bell ou le CN (Canadian National Railway), qui influencent la vie quotidienne d’environ 99% de Québécois·es et d’un grand nombre de personnes ailleurs dans le monde. Chaque intervenante a expliqué ses intérêts, parfois paradoxaux. L’une d’entre elles, passionnée par le développement durable, a étudié la géographie à McGill, puis a choisi le commerce. Elle a expliqué avoir quitté le monde des ONG pour celui des entreprises en raison de la force d’impact de ces dernières. En effet, leur large nombre de fournisseurs et de consommateur·rice·s leur donne un pouvoir d’influence considérable sur les conditions de production et les comportements de consommation. De plus, l’environnement compétitif rendrait les processus plus rapides que ceux des ONG ou des instances politiques. Une autre intervenante, formée au HEC Montréal, annonce dès le début sa « passion pour le profit » et livre un message important : choisir de respecter les ressources naturelles n’est pas nécessairement synonyme de sacrifier le gain financier, au contraire. Prendre des décisions commerciales « durables », c’est donner la priorité au profit à long terme sur celui à court terme, et, par conséquent, assurer la pérennité de son commerce.
Le profit et l’éthique
Le contraste d’intérêts de ces deux interlocutrices cristallise le point clé de la conférence : prouver que le profit et l’éthique peuvent et doivent travailler ensemble, car chacun y trouve son avantage, sans devoir sacrifier l’un ou l’autre. Il s’agit donc de faire collaborer les différentes motivations. Au niveau microsocial, cela veut dire, par exemple, de faire des ponts entre les différentes facultés de McGill pour que les étudiant·e·s en Arts, en Sciences et en Commerce travaillent de pair. Le coprésident de la DSN, Maxime Lakat, a d’ailleurs précisé que 70% des étudiant·e·s présent·e·s ce jour-là étudient à Desautels, tandis que le reste vient principalement des programmes de développement international, d’environnement et de droit. Comment cette conférence a‑t-elle pu les rejoindre ? Il semblerait que ceux et celles en commerce aient bénéficié d’une nouvelle perspective des processus de production qui leur dit que « l’homo-economicus », l’entrepreneur·se prospère qui prend des décisions rationnelles liées à la taille du gain financier, peut et doit inclure le facteur de durabilité de ses ressources pour augmenter son gain futur. Les autres étudiant·e·s se voient rappelé·e·s que l’éthique environnementale et sociale doit être formulée en termes économiques de « profit à long terme » pour toucher les entreprises. Il s’agit d’apprendre à parler le langage commercial pour diriger l’énorme bras armé des grandes compagnies vers la transition écologique, car elle ne se fera pas sans elles.
L’éthique environnementale
Il y aurait donc, selon les conférencier·ère·s, un moyen de rendre le profit plus éthique, ou de rendre l’éthique profitable en priorisant les réflexions sur le long terme et la coopération des motivations. Toutefois, peut-on imaginer un « capitalisme durable » qui n’aurait qu’un impact positif sur les humain·e·s et la nature ? En effet, les décisions motivées par les bénéfices d’un profit à long terme pourraient valoir mieux que celles à court terme, mais arrivera-t-on jamais à des décisions déterminées par la priorité d’un impact positif sur nos écosystèmes ?