Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation a dû se défendre cette semaine pour avoir personnellement autorisé le congédiement d’un employé de son ministère. On reproche à Louis Robert, un agronome au service du gouvernement depuis plus d’une trentaine d’années, d’avoir manqué de loyauté envers son employeur. Dans les faits, M. Robert a collaboré l’an passé avec un journaliste de Radio-Canada pour mettre au grand jour un scandale d’ingérence de lobbys privés dans la recherche financée par le gouvernement en agronomie.
Ingérence dans la recherche
L’organisme où M. Robert travaille, le Centre de recherche sur le grain (CÉROM), est un centre œuvrant sur les questions qui touchent à la production de maïs-grain, de céréales et des plantes oléoprotéagineuses au Québec. Il compte une vingtaine d’employés, dont une dizaine de chercheurs. Leurs travaux portent, entre autres, sur les différents cultivars, les espèces nuisibles et l’utilisation de produits chimiques dans les champs. Bien que le CÉROM soit complètement financé par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, il est contrôlé par un conseil d’administration comptant des membres provenant du secteur privé.
Or, l’an dernier en mars, un reportage de Radio-Canada avait exposé que ce conseil était composé en grande partie de représentants de producteurs ou même de compagnies produisant des pesticides. Des chercheurs s’étaient alors plaints d’avoir été entrainés à ne pas publier des résultats de recherche pouvant nuire aux intérêts privés des membres du conseil d’administration. Une note ministérielle avait même fait état de conflits d’intérêts et d’ingérence des membres du CA dans les méthodologies de recherche et dans la diffusion des résultats. Une vague de démission avait frappé le CÉROM en mai 2017.
Congédiement
Suite aux révélations de Radio-Canada, le ministère de l’Agriculture avait été obligé d’apporter des changements à la structure du CÉROM afin de diminuer l’influence du secteur privé sur la recherche publique. Une traque avait néanmoins été menée au CÉROM pour trouver l’origine de la fuite, aboutissant en janvier au congédiement de Louis Robert, ayant effectivement fourni aux journalistes de Radio-Canada des informations concernant le centre, après avoir dénoncé la situation à ses supérieurs sans avoir été écouté. C’est le 30 janvier, en marge du caucus de la CAQ, que le ministre de l’Environnement André Lamontagne a d’abord mentionné avoir autorisé le congédiement, se disant « très à l’aise » avec sa décision et l’attribuant à des problèmes non connus du public. Toutefois, selon le journaliste de Radio-Canada, Thomas Gerbet, la lettre de congédiement ne comportait aucune mention d’un autre motif que l’insoumission de Louis Robert face à son employeur. Le Parti Québécois et Québec Solidaire ont réclamé que l’agronome soit réembauché par le ministère de l’Agriculture.
Une protection légale
Louis Robert pourrait bien parvenir à être réembauché par le ministère de l’Agriculture en passant par les tribunaux : en effet, une loi adoptée par le précédent gouvernement libéral protège les lanceurs d’alerte. Bien que celle-ci accorde une protection moins importante à ceux qui divulguent des informations aux médias ou au grand public qu’à ceux qui font une campagne en interne, elle pourrait couvrir le cas de l’agronome car les informations qu’il a transmises concernaient des risques pour l’environnement.