Compositeur de musique indépendant, Jonathan Myst réalise des bandes sonores pour des projets personnels, mais aussi pour différents clients. Faisant partie des compositeur·ice·s émergent·e·s du Grand Montréal, Myst compose principalement à partir d’un clavier, d’une bibliothèque de son, et d’un logiciel composé de près de 40 000 instruments. Autodidacte et assoiffé de création, il partage avec Le Délit son processus créatif.
Le Délit (LD) : Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre parcours ?
Jonathan Myst (JM) : Je suis Jonathan Myst, j’ai commencé au cégep en composition classique et j’ai quitté le programme et appris à composer par moi-même. Ça m’a pris beaucoup de temps, car évidemment je n’avais personne pour m’encadrer. J’ai donc passé des journées entières, soit de 8 à 10 heures, à composer sans m’arrêter. J’ai travaillé sur des projets dont j’étais fier sur le coup, mais pour lesquels, après un an, je me rendais compte que c’était tout à fait merdique – ce qui témoigne de mon évolution. Ce sont des heures et des heures de travail, certes, mais ça m’apporte de l’expérience aujourd’hui pour ce que je fais. J’occupe un emploi à temps plein, mais lorsque j’arrive chez moi je commence à composer.
LD : Par quoi commencez-vous pour ce genre de projet ?
JM : La première étape, qui est pour moi la plus difficile, c’est de trouver l’idée directrice. C’est pendant cette étape que je fais les cent pas, que je me rassois, et que j’essaie plusieurs variations des bribes d’idées que j’ai eues. Il vient un point où une idée reste, et je travaille à partir de cela. Je regarde la vidéo que l’on me donne, parfois plusieurs fois sans arrêt, et des fois je n’y trouve rien, mais lorsque j’ai l’idée, tout s’enchaîne. Lorsque je commence à travailler, rien ne peut m’arrêter : je peux travailler 10 ou 12 heures en ligne et j’en oublie même de me nourrir (rires, ndlr). Le projet avance alors très bien et tout est complété : si je crée deux minutes de matériel, c’est une partie que je garde dans son entièreté sans la retoucher. Je me base sur ce début de mix audio afin de poursuivre mon travail le lendemain afin de me donner une ligne directrice, un plan à suivre. J’essaie de commencer mes projets lorsque j’ai plusieurs jours de congé pour ne pas arrêter mon élan créatif. Je peux parfois travailler près de 30 heures en 3 jours.
LD : Comment vous organisez-vous dans votre ébauche ?
JM : Le projet sur lequel je travaille présentement comporte 41 sons, instruments et effets. Je n’ajoute jamais les 41 en même temps, sinon le fichier deviendrait beaucoup trop épais à gérer. Les différentes trames sont déjà complètes, les épaisseurs ajustées, et je les place dans la ligne du temps suivant le plan que j’ai de la vidéo sur laquelle je dois travailler.
LD : Est-ce qu’il vous arrive de créer du matériel que vous n’utilisez pas ?
JM : Si vraiment ça arrive, je les mets de côté. Je prends le segment au complet et je le garde, car il arrive que j’efface certaines parties ou que je travaille pendant des heures sur mon idée initiale et que ça produise un autre résultat, mais avec la même forme. Par moment, ces transformations suivent exactement ce que j’avais en tête, mais la plupart du temps ces segments finissent effacés. Toutefois, il arrive que je retouche une partie de mon travail et que j’obtienne exactement ce que je désirais. Ce qui est difficile c’est que je débute à partir de rien, car aucune théorie ne peut s’appliquer parfaitement à un projet. Je préfère chercher un son qui sera unique au projet que l’on me propose. Je vais avoir une trentaine d’idées, il n’y a pas de problèmes, mais je suis constamment à la recherche de la trentième, la meilleure.
LD : Utilisez-vous un équipement en particulier ?
JM : Au niveau de l’équipement, ce n’est rien de vraiment complexe. L’idée n’est pas d’avoir beaucoup de matériel, mais plutôt le bon. Personnellement, je n’ai pas acheté une multitude d’instruments ou d’appareils, mais plutôt fait une recherche à savoir ce qui allait me convenir. Je travaille avec un clavier de la marque Komplete avec des haut-parleurs JBL. Pour le son et les instruments, je fais affaire avec deux compagnies avec lesquelles j’ai un abonnement mensuel qui me permet de piger dans une banque de 40 000 instruments. Tous ces sons sont reliés à mon clavier et je peux les modifier selon mes besoins.
LD : Est-ce qu’il vous arrive de sortir de votre zone de confort ?
JM : Le travail de compositeur est un apprentissage constant. Par exemple, pour la création de la trame sonore que l’on entend pour le jeu vidéo Gris, j’ai pris la vidéo, retiré le son, et ajouté la musique par-dessus. Je me suis rapidement rendu compte que la vidéo semblait étrange puisqu’en retirant le son, j’avais aussi retiré les effets sonores : mon mixage audio fonctionnait, mais il manquait le son ambiant ! J’ai donc dû m’improviser bruiteur pour pallier au problème. Lorsque le personnage atterrit sur un arbre métallique, j’ai utilisé le son d’une aiguille de gramophone et le son de feuilles au vent. En mélangeant les bonnes fréquences, j’ai été en mesure de reproduire le son hypothétique d’un arbre aux feuilles de métal.
LD : Avez-vous un conseil pour ceux et celles qui désirent s’initier à la composition musicale ?
JM : Pour plusieurs compositeurs, ce genre de travail leur est très facile. En fait, je dis facile, mais ce n’est pas vrai : ceux et celles qui ont fait plus d’étude dans la matière ont développé une oreille un peu plus fine et se sont construit une banque de ce qu’ils peuvent utiliser. Personnellement, j’ai appris à composer par moi-même, donc je sais que j’ai probablement un certain manque à ce niveau. Pour ceux qui veulent commencer par eux-mêmes, il faut beaucoup travailler afin d’arriver à des résultats. Cependant, il est normal qu’au début les résultats ne soient pas satisfaisants. C’est à force de mettre des heures dans la composition et les essais et erreurs qu’il est possible d’atteindre quelque chose qui sonne bien. C’est comme lors de l’apprentissage d’un instrument de musique : les débuts sont ardus et difficiles, mais c’est en y travaillant d’arrache-pied que nous arrivons à ce que nous voulons entendre.