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Déambulations artistiques

La Nuit de l’Art : une occasion de rassembler les gens autour de la création.

Joseph Adeosun

La façon dont nous célébrons la culture et « consommons » l’art a beaucoup évolué dans les dernières années. La multiplication des plateformes numériques de diffusion en continu, l’accessibilité et la démocratisation des modes d’expressions visuels modifient notre rapport à la chose créative, induisant à la fois des opportunités et des défis, notamment en matière de rémunération pour les artistes exposant leur art sur les plateformes telles que Deezer, Spotify ou encore Etsy.

L’importance grandissante des activités culturelles se reflète d’ailleurs dans le dernier budget fédéral, indiquant qu’« il est important que les producteurs canadiens dans le domaine des arts, de la culture et de l’information soient en mesure de s’adapter à cette réalité en évolution et qu’ils continuent de raconter leurs histoires uniques ». C’est alors un tout nouveau contexte disruptif dans lequel les acteurs culturels doivent innover, se renouveler et surprendre afin d’enrichir davantage le secteur des arts, qui est une économie se chiffrant à plus de 53 milliards de dollars par année.

Joseph Adeosun

Une initiative culturelle nouvelle

La ville de Montréal regorge d’activités artistiques diverses : théâtres, musées, festivals, spectacles intimistes, concerts, places éphémères et plus encore. L’offre culturelle montréalaise est sans nul doute riche et féconde. Le milieu créatif métropolitain est tel qu’il favorise constamment l’émergence de nouveaux projets prometteurs. L’été passé, j’ai justement vécu une expérience qui a su attirer mon attention plus que davantage ; il s’agit ici d’une initiative culturelle qui, à mon sens, mérite une attention toute particulière. Retour en mots sur la nuit du samedi 2 juin 2018. 

2 juin 2018 – 21h, à la jonction de la rue Bernard et Waverly, en plein cœur du Mile End.  C’est la fin de semaine, la soirée est fraîche et légère, le temps est à la sérénité et à la plénitude. À l’extrémité d’une ruelle, l’on peut entendre des voix, des rires et un rythme musical en sourdine. Pas de doute, je suis au bon endroit : c’est le lieu où se déroule La Nuit de l’Art. J’entre dans la cour résidentielle et comprends qu’un concert de musique commencera bientôt : le groupe Mouth Breather originaire de Vancouver et Aquarius Dreams de Montréal performeront sous peu. Le lieu favorise la proximité entre le public et les artistes ; pas trop grand, pas trop petit, guirlandes chaleureuses et atmosphère hédoniste : on se sent bien. C’est le début d’une belle soirée à la rencontre d’artistes aux sensibilités diverses, à l’accès exclusif à leur œuvre et surtout à une occasion de se plonger dans un univers éphémère où artistes, amateurs et gens de passages échangent, parlent et apprennent les uns sur les autres. C’est la sensation de faire partie d’une communauté réunie le temps d’un instant pour partager sur ce qui rassemble : l’intérêt des arts et leur pertinence dans l’étude, l’interrogation et la réflexion sur l’évolution de nos sociétés. Le principe derrière La Nuit de l’Art est, a priori simple, mais sensiblement nouveau à mon sens. Il s’agit d’emprunter le temps d’une soirée l’espace de deux ou trois appartements afin que ces derniers deviennent des plateformes d’expressions pour des artistes locaux,  où leurs peintures, photos, et sculptures sont exposées. C’est aussi un accès pour des artistes de performance ; on peut retrouver des tribunes de poème, des musiciens  et divers arts de la scène tels que le cirque et le théâtre. C’est la réunion en une seule et unique nuit des médiums d’expressions culturels, artistiques et créatifs. Le tout est présenté dans une atmosphère intimiste, hébergé à l’intérieur d’appartements aux identités visuelles et sensorielles différentes. C’est un parcours déambulatoire à l’échelle d’une rue et d’un quartier, dans lequel le participant agit, participe et enrichit son expérience, mais contribue aussi à celle des autres. L’événement fait émerger une intelligence collective au service du partage, de l’entraide et de la proximité humaine. 

La Nuit de l’Art a eu trois éditions à Montréal, deux à Londres et aura une prochaine édition en avril qui se tiendra à Paris. Curieux de l’organisation derrière l’événement, j’ai voulu rencontrer les acteurs à l’origine de cette initiative et l’organisme qui le chapeaute.

Joseph Adeosun

Rencontre avec Jacob Côté

Jacob Côté  est l’un des cerveaux derrière l’initiative de La Nuit de l’Art. Depuis quelques temps, lui et son partenaire, Jobair Jaber, ont décidé de fonder une OBNL (organisation à but non lucratif, ndlr) afin de formaliser leurs activités. Conversation informelle avec l’entrepreneur culturel.

Joseph Adeosun

Iyad Kaghad (IK): D’où vous est venue l’idée de créer La Nuit de l’Art ?

Jacob Côté (JC) : Jobair et moi étions deux garçons impliqués dans les milieux artistiques. Me concernant, j’ai à quelques reprises exposé mes photos et nous arrivèrent tous deux à un constat commun. Notre participation à des événements artistiques se justifiait, oui par l’accès à des œuvres, mais aussi par ce désir de rencontrer des gens nouveaux et surtout, rencontrer les artistes eux-mêmes. Dans les expositions, au musée notamment, on arrive souvent déjà avec nos amis et l’atmosphère ne favorise pas forcément la rencontre avec autrui. À l’inverse, lors de mes années d’études à McGill, il y avait beaucoup de soirées favorisant les rencontres, mais dans lesquelles le facteur culturel était manquant. La Nuit de l’Art est alors née de ce désir de créer un environnement qui favorise l’amitié et les échanges tout en amenant une dimension culturellement constructive pour les participants. À l’issue d’une édition, on veut que nos artistes aient pu connecter avec des gens qui dynamiseront leur parcours, que les gens aient fait de nouvelles rencontres et, évidemment, que chacune et chacun ait passé une soirée fun et inspirante.

IK : Pourquoi avez-vous créé l’organisation Tanthem ?

JC : Jobair et moi avions envie de créer davantage d’initiatives. La Nuit de l’Art est un événement en soi et nous voulions garder sa singularité. Ainsi, nous étions un peu forcés de créer un label plus général, venant chapeauter potentiellement plusieurs initiatives, incluant La Nuit de l’Art. On a plusieurs idées : des conférences, des consultations, de la médiation culturelle, un festival, des baladodiffusions, l’idée ici est que nos initiatives gardent la même substance. Rassembler des communautés physiques, créer des événements qui favorisent l’échange et promeuvent le dialogue. Le but premier reste de promouvoir la culture et connecter les gens, promouvoir les communautés physiques, dans un monde qui se numérise de plus en plus.

Joseph Adeosun

Tanthem tiendra La Nuit de l’Art à Paris en avril prochain et une édition spéciale aura lieu à Montréal en juin. Cette initiative mérite de l’attention. Informez-vous à propos de l’évènement sur la page Facebook de Tanthem.

 

Photos de Joseph Adeo. Instagram : @jo_adeo


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