Denis Côté, fier de ses succès répétés à Locarno et à Berlin, est une figure de proue de ce qu’on a nommé le renouveau du cinéma québécois. Son dernier film, Répertoire des villes disparues, s’inscrit dans la mouvance de cette réactivation du territoire qui touche plusieurs acteurs de la scène culturelle québécoise ; pensons notamment à Christian-Guay Poliquin qui a remporté le prix du Gouverneur Général pour Le poids de la neige. La revue Spirale a d’ailleurs publié un dossier très intéressant à ce sujet ; les représentations régionales occupent plus de place dans le paysage artistique, alors qu’elles avaient été délaissées depuis quelque temps au profit de l’urbanité et de sa modernité. Librement inspiré d’un livre de Laurence Olivier — dont un court-métrage peut être apprécié dans la foulée de la présentation —, le film détonne et ne laisse certainement pas indifférent.
Timide violence
Le film démarre abruptement avec le suicide violent d’un jeune qui n’en pouvait plus de ce village et, rapidement, une atmosphère glauque et inquiétante enveloppe le quotidien de ces habitants abandonnés à eux-mêmes, loin des centres urbains. De ces paysages blancs, désertés et mornes émane une poésie qui porte le film lorsque le rythme s’essouffle. Par moments, la timidité des dialogues et le roulis anxiogène de la caméra s’avèrent un peu lourds, tandis que des scènes qu’on voulait peut-être contemplatives finissent par révéler un certain vide. L’austérité d’Irénée-les-neiges est à l’image d’une trame narrative épurée qui laisse parfois le spectateur sur sa faim, mais qui dépeint à merveille cette vie sans rebondissements auxquels sont attachés certains des personnages.
De l’ironie
Le réalisateur se joue habilement des codes du film à suspense et du fantastique pour éclairer d’un angle audacieux des problèmes bien contemporains, tels que l’abandon des campagnes. Les morts habitent, littéralement, le récit de ces régions qui peinent à préserver une identité. On nous présente une communauté fière, mais inquiète face au phénomène d’attrition qui la décime peu à peu. Elle est aussi solidaire, mais un peu paradoxalement réticente à l’ouverture. Filmé en 16 mm — ce qui donne un halo particulier et un grain plus présent —, le film n’échappe pas à cet intérêt pour l’esthétique rétro.
Les acteurs incarnent avec brio des personnages riches malgré leur peu de mots. Diane Lavallée est tout simplement brillante dans le rôle de la mairesse qui se veut à tout moment disponible pour ses citoyens, mais qui, de ce fait, ne leur rend pas toujours service. Autrement, impossible de ne pas s’attacher à cette jeune femme angoissée, mais ô combien lucide, interprétée par Larissa Corriveau qu’on avait pu voir auparavant dans Polytechnique. Aussi, il y a un couple qui fait de la raquette et qui amène une belle touche d’humour, même si la figure peut paraître maladroite et appuyée.
La pertinence du cinéma québécois
Si le long-métrage est finalement inégal, il demeure un témoin du génie des artistes québécois ; il souligne toute l’importance d’un cinéma indépendant qui se permet certaines folies et qui vient inévitablement dynamiser l’univers culturel. Les cinéastes québécois font rayonner le Québec à l’international et on ne peut que se réjouir de cet intérêt étranger pour ce qui se fait ici. Répertoire des villes disparues incarne efficacement l’air du temps.