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Dialogue en mouvement

Wen Wei Wang fait parler les corps à l’Agora de la danse.

Agora de la Danse

Comment vais-je parler de la danse ? Comment écrit-on sur de la danse ? Le spectacle Dialogue de Wen Wei Wang a balayé ces questions d’un revers de main, de jambe, de corps. Prenant place à l’Agora de la danse, dans l’édifice Wilder, la représentation est un succès. 

Performance millimétrée

La salle est encore éclairée, le public s’assied, le silence se fait. Les cinq danseurs entrent dans la salle. La musique démarre, elle est forte et enveloppe tout. Les corps s’animent. Une chorégraphie millimétrée, dont chaque mouvement semble être pensé, ne laisse pas l’occasion de détacher le regard des danseurs, qui forment tour à tour un ensemble, puis éblouissent chacun de leur côté. Chaque corps est sublimé par le mouvement. Il n’y a aucun temps mort. Le jeu de lumière participe également à cette immersion totale du spectateur. Les danseurs nous emmènent avec eux dans un récit enthousiasmant. Les différents tableaux évoquent rapidement des situations familières. On se sent soudainement seul. Puis c’est comme si l’on entrait dans une discothèque, qu’on se noyait dans les corps, dans la musique. Tour à tour entourés, puis incompris, puis à nouveau entourés, mais seuls. Un sentiment d’urgence se dégage de la performance, qui semble dépeindre une indubitable lutte contre les autres et contre soi-même, contre l’incompréhension, pour l’acceptation. Cette émulation ne revêt cependant pas uniquement des aspects négatifs mais reflète aussi des moments de tendresse, de force, d’amour.

Autoportrait

Dans Dialogue, Wen Wei Wang nous raconte sa propre histoire. Immigrant au Canada, d’origine chinoise, le chorégraphe raconte sa vision de l’expérience de l’intégration. Grâce à la danse, il exprime cette difficulté à communiquer dans des langues et des cultures inconnues. Dans une entrevue accordée au Devoir, Wen Wei Wang affirme cependant que « ce n’est pas une pièce politique, ça parle de la vie des gens, de la vie d’individus  ». C’est ces instants de vie qui transparaissent de la mise en forme intelligente de la performance. Ils lient ces perceptions intimes de l’expérience du chorégraphe avec l’idée plus ample de construction d’une nouvelle vie. S’entremêlent d’ailleurs les thèmes de sexualité, de nationalité, le tout accompagné d’une réflexion sur l’importance de l’instant présent. L’artiste explique la composition exclusivement masculine du groupe de danseurs par le fait que cette dernière lui permet de trouver de la proximité avec sa propre expérience. 

Dialogue traite avec brio de questions que l’on nous exhorte souvent à exprimer avec des mots. La performance orchestrée par Wen Wei Wang nous met devant le fait accompli. Elle nous présente une approche qui repose plus sur l’instinct et le geste. L’absence de dialogues parlés permet une compréhension plus étendue, rendant universels les sentiments décrits. Il me semble aussi nécessaire de saluer une nouvelle fois la grande qualité de la mise en scène, ainsi que le talent des danseurs et du chorégraphe, qui ne font que souligner la portée de la performance. 


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