L’ensemble des sénateur·rice·s de McGill, incluant des membres de la haute administration, les doyen·ne·s de toutes les facultés, des professeur·e·s et des étudiant·e·s élu·e·s ont voté le 27 mars dernier pour adopter la nouvelle Politique contre la violence sexuelle de l’Université. L’ancienne politique, datant de 2016, avait été examinée, révisée et modifiée depuis l’été 2018, pour aboutir à cette nouvelle version.
Angela Campbell, Vice-principale exécutive adjointe, venue présenter la politique au Sénat pour son adoption, a souligné ses quatre changements clés : la création du poste d’enquêteur·rice spécial·e et indépendant·e, l’interdiction des relations intimes entre un·e membre du corps enseignant et un·e étudiant·e sous son autorité, la suppression de barrières structurelles qui empêcheraient un·e survivant·e de porter plainte, et un renforcement de l’éducation et la formation de tou·te·s les membres de la communauté universitaire sur ces questions.
Une grande avancée ?
De nombreux sénateurs, qu’ils soient professeurs, doyens ou assistants, ont fait part de leur satisfaction quant à la politique : plusieurs d’entre eux l’ont décrite comme « un grand pas en avant ». Le fait que l’interdiction des relations romantiques et sexuelles entre étudiant·e·s et professeur·e·s ne soit pas complète (elle ne s’applique qu’aux relations où un individu exerce une autorité ou une influence académique sur l’autre) serait, selon plusieurs, une bonne chose. « Si la politique allait plus loin, cela lui enlèverait sa crédibilité », a affirmé Robert Leckey, doyen de la Faculté de droit.
Une sénatrice a fait part de son témoignage ; lorsqu’elle était étudiante de second cycle à McGill, il y a près de 50 ans, ses cinq professeurs entretenaient des relations avec leurs élèves ; l’un avec sa candidate de PhD, l’autre avec quatre étudiantes en même temps. Les ricanements ont alors parcouru la salle à l’écoute de ces récits. Cette effusion a été très critiquée par les sénateur·rice·s étudiant·e·s. « J’aimerais beaucoup ne pas entendre rire à propos de personnes ayant été harcelées sexuellement. […] Ceci constitue exactement le genre d’environnement hostile où les étudiants ne se sentent pas à l’aise de s’exprimer », a rétorqué Madeline Wilson. La principale Suzanne Fortier a tenu à clore l’échange en affirmant : « Selon mon expérience, les gens peuvent glousser pour plusieurs raisons. Cela peut être parce qu’ils trouvent ça drôle, mais aussi parce qu’ils sont inconfortables. Nous devrions leur donner le bénéfice du doute ».
Réactions mitigées
Les membres étudiant·e·s du Sénat ont, tour à tour, exprimé leur insatisfaction. Bryan Buraga, Madeline Wilson, Andre Lametti – tout en saluant le travail de ceux·elles ayant amélioré la politique – l’ont qualifiée d’insuffisante, l’interdiction des relations intimes n’étant pas complète. « McGill pourrait devenir un leader sur ce plan », a clamé le sénateur Buraga. Bien que la politique soit « une avancée significative, elle ne va pas assez loin ». À ces commentaires, Angela Campbell a repris la position qu’elle a adoptée depuis plusieurs mois sur ces questions : bannir toutes les relations intimes de ce genre empièterait sur le droit de décisions privées des individus. « Il n’est pas possible et faisable de faire ce que certains étudiants nous demandent », a‑t-elle répondu. Selon elle, plusieurs juristes auraient soutenu que la politique va déjà trop loin.
L’ensemble des étudiant·e·s membres du Sénat, en raison de leurs critiques face au contenu et aux processus de consultation étudiante, avaient décidé au préalable de s’abstenir lors du vote pour l’adoption de la nouvelle politique. Celle-ci a toutefois été largement adoptée, malgré, donc, une dizaine d’abstentions. Sa version complète est entièrement disponible en ligne et ses modifications depuis février 2019 (en rouge) sont aussi accessibles dans les documents publics du Sénat.