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Un regard vert sur le budget

Réaction des étudiant·e·s au plan budgétaire provincial 2019–2020.

Béatrice Malleret | Le Délit

Depuis la manifestation du 15 mars, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, s’est hâté de rencontrer le collectif étudiant La Planète s’invite à l’Université (LPSU). Le groupe a accepté une discussion le 22 mars passé, soit le lendemain du dépôt budgétaire. Un comité de recherche s’est  formé du côté des étudiant·e·s, pour ratisser la section environnementale du budget en une nuit pour  répondre convenablement lors des échanges avec le gouvernement.  Le collectif fut largement insatisfait des mesures prises en termes de lutte aux changements climatiques. 

Réflexions sur le Fonds vert

Le budget de la CAQ en matière de lutte contre les  changements climatiques est soutenu par le marché du carbone qui, chaque année, enrichit d’un milliard de dollars le Fonds vert. Malgré son aspect écologique, ce fonds d’investissement pourrait en théorie être redistribué pour des actions qui ne visent pas nécessairement la réduction des gaz à effet de serre. Par exemple, les extensions du réseau de distribution de gaz naturel de la compagnie Énergir sont financées de 75 à 80% par des fonds publics, dont une grande partie est allouée via le Fonds vert. En d’autres termes, ce fonds subventionne la distribution d’une énergie fossile. Cette action pourrait être le résultat du travail des quelque 136 lobbyistes dont dispose Énergir auprès des pouvoirs publics. La distribution de ces fonds ne fait pas l’unanimité, et ce au sein même du conseil de gestion du Fonds vert. 

Actuellement, ce comité de gestion est un groupe indépendant du ministère qui, dans un avis publié en février 2018, avait annoncé, entre autres, que « […] l’électrification des véhicules légers et l’amélioration de l’efficacité du transport des personnes n’ont eu qu’une faible contribution à l’atteinte de la cible de réduction de GES […] ». Non seulement le gouvernement semble ignorer complètement ces recommandations, mais il a aussi l’intention de modifier ce Conseil de gestion jusqu’à présent indépendant afin que ce dernier soit désormais sous la tutelle du MELCC (le Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements Climatiques, ndlr). Selon Normand Mousseau, professeur titulaire en physique à l’Université de Montréal, ce serait une erreur monumentale puisque le MELCC est sujet à d’énormes pressions de la part des autres ministères, pouvant conduire à un détournement  de la distribution des investissements en environnement.

Analyse de la Section 1

D’entrée de jeu, le gouvernement reconnaît mot pour mot que « Les changements climatiques perturbent les écosystèmes et ont des conséquences notamment sur la qualité de vie, la santé, les infrastructures et l’économie ». Les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) du gouvernement québécois datent de l’accord de Paris, soit 20% de réduction pour 2020 et 37,5% pour 2030. D’après de nouvelles recherches et plusieurs données accumulées de plus en plus précises, le Groupe d’expert·e·s intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) affirme qu’une réduction de 45% d’ici 2030 et de 100% d’ici 2050 sont des mesures nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

De plus, au point 1,4 du budget en environnement, les actions concrètes pour contrecarrer les changements climatiques sont absentes du budget, puisque le gouvernement a décidé de prioriser l’adaptation à l’atténuation, même si une combinaison des deux est nécessaire, selon le GIEC. 

En effet, soutient le groupe, plus les changements climatiques s’intensifient, plus les possibilités de succès de l’adaptation diminuent et plus leurs coûts augmentent. À cet égard, 21,1 millions de dollars seront investis dans les municipalités, alors que, selon les groupes scientifiques AGÉCO et le consortium Ouranos, « les coûts liés à l’adaptation aux changements climatiques pourraient atteindre près de deux milliards de dollars pour les dix grandes villes du Québec, et même le double pour l’ensemble des municipalités du Québec ». 

D’ailleurs, certaines municipalités sont déjà à risque de subir des dommages irréversibles dus à l’érosion côtière, elle-même exacerbée par les changements climatiques, comme les Îles-de-la-Madeleine et la Gaspésie, et aucune mesure concrète n’a été mentionnée pour ces municipalités.


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