Interrogé sur les débats sur l’avortement qui ont eu lieu cette semaine à la Chambre des communes sur l’avortement, un député conservateur a dit avoir assisté au « jour de la marmotte ». Pourtant, de nombreux commentateurs politiques ont relevé que cette semaine avait été l’une des plus éprouvantes pour le parti et pour son chef Andrew Scheer, à quelques semaines à peine des élections.
À proprement parler, l’avortement n’a jamais été légalisé au Canada ; il existe plutôt un vide juridique autour de la question depuis que la Cour suprême a rendu en 1989 l’interdiction de l’avortement inconstitutionnel. Aucun premier ministre ne s’est risqué depuis cette date à relancer le débat. Or, ce statu quo mine l’unité du Parti conservateur depuis de nombreuses années.
Dès la décision de la Cour suprême, certains ministres du gouvernement de Brian Mulroney avaient ouvert un débat sur une loi qui rendrait l’avortement illégal, avant que la réforme contraignante qu’ils proposaient soit rejetée de justesse par le Sénat. Sous le règne de Stephen Harper, qui avait affirmé ne pas vouloir rouvrir le débat, deux députés d’arrière-ban ont pourtant déposé des projets de loi auxquels beaucoup de députés ont adhéré, malgré le fait que le gouvernement s’y soit opposé. L’un des problèmes auquel le Parti conservateur fait face aujourd’hui, c’est qu’Andrew Scheer avait à l’époque appuyé ces projets de loi.
Une position ambigüe
Aujourd’hui, le chef du parti a adopté la même position que l’ancien premier ministre, à savoir qu’il s’opposerait à toute réouverture du débat. Cette ambiguïté avec les convictions personnelles qu’il a affiché par le passé font le pain et le vin du Parti libéral, qui affirme qu’il ne sera pas vraiment disposé à empêcher le dépôt de projets de loi pro-vie. La position officielle du parti et de M. Scheer sur l’avortement ont par ailleurs visiblement surpris les candidats de son propre parti, en particulier ceux de la belle province. Interrogés par les médias, de nombreux candidats et candidates conservateurs au Québec, ainsi que le lieutenant du parti dans la province, Alain Rayes, ont affirmé que leur chef ne permettrait pas à des députés d’arrière-ban de présenter des projets de lois rouvrant le débat sur l’avortement.
Or, si Andrew Scheer a affirmé qu’il s’opposerait à ces projets de loi en chambre, il a toujours soutenu qu’il laisserait les députés de son parti s’exprimer selon leurs convictions.
Ironiquement, en prenant cet engagement, Andrew Scheer s’est aussi attiré de sévères critiques de la part des organisations pro-vie, qui lui ont reproché d’avoir renié ses convictions afin de faciliter son accession au poste de premier ministre. La Coalition nationale pour la vie, un important lobby pro-vie, a ainsi retiré sa cote verte à Andrew Scheer et lui a plutôt attitré une « cote rouge », qui vise à informer les électeurs pro-vie qu’ils ne doivent pas voter pour lui. Cette dévaluation pourrait avoir beaucoup d’impact dans les circonscriptions des provinces conservatrices face à l’avortement, en particulier dans les provinces de l’Atlantique.
« Si Andrew Scheer a affirmé qu’il s’opposerait à ces projets de loi en chambre, il a toujours soutenu qu’il laisserait les députés de son parti s’exprimer selon leurs convictions »
Des répercussions électorales
En effet, Maxime Bernier, l’ancien ministre conservateur et actuel chef du petit Parti populaire du Canada, a annoncé cette semaine qu’il serait disposé à restreindre le droit des femmes à se faire avorter en fin de grossesse. Il s’agit en quelque sorte d’une volte-face de la part de Bernier, puisque contrairement à Andrew Scheer, celui-ci avait voté contre tous les projets de loi pro-vie lorsqu’il était dans le gouvernement Harper. D’après les sondages actuels, il serait étonnant que le Parti populaire obtienne plus qu’un ou quelques sièges, mais la division du vote sur la question de l’avortement pourrait fortement nuire aux chances de certains candidats conservateurs d’être élus.