LIBERTÉ CONQUÉRANTE/GROWING FREEDOM.
L’exposition, présentée par la Fondation Phi, est une rétrospective de la carrière de l’artiste.
Suivre et être suivi
Les instructions de Yoko Ono, c’est le nom que porte la première partie de l’exposition. Le ton est donné, Yoko Ono invite, réclame, demande. Elle ne nous laisse jamais seul·e. Au détour des étages, ses demandes se font plus ou moins extravagantes, plus ou moins sensées. « Regardez le coucher de soleil, sentez la Terre bouger. » Je m’arrête un instant, regarde par la fenêtre. C’est vrai que je sens le sol bouger sous moi. Je passe à l’instruction suivante. Certaines sont plus concrètes. « Ajoutez de la peinture ». Du coin de l’œil, je cherche la personne surveillant les œuvres. Son sourire me confirme que je peux me saisir du pinceau et ajouter de la peinture verte à ce tableau, sec par endroits, recouvert de peinture fraîche à d’autres. La personne à côté de moi enfonce un clou dans une toile à grand renfort de coups de marteau. Une autre écrit un vœu qu’elle attache à un arbre. Nous suivons toutes et tous les directions de Yoko Ono.
Au fil des étages, le corps et tous ses sens sont mis à l’épreuve. Il n’y a aucun moment de répit. Même dans les escaliers, entre les étages de l’exposition, nous sommes suivis par une création audio de l’artiste. Celle-ci, extraite du morceau Fly, lui-même issu de l’album du même nom composé par l’artiste en 1971, reproduit le son d’une mouche en plein vol. C’est ainsi que la voix de l’artiste nous suit dans les escaliers, dans un mélange de sons entêtants.
Laisser la place
L’arrivée au troisième étage change l’atmosphère. Si jusque-là, la participation était privilégiée, cet étage sollicite davantage l’écoute. L’écoute de ces femmes, que les deux projets (Cut Piece et Debout, Arising) présentent, reprennent le rôle principal, reléguant celui des spectateur·rice·s au second plan. Cut témoigne d’une performance scénique de Yoko Ono qui, sur scène, permet aux spectateur·rice·s de découper ses vêtements. De l’autre côté se trouve Debout, qui prend la forme d’un mur recouvert de témoignages de femmes sur leur expérience de vie. Ces témoignages sont accompagnés d’une photo des yeux de la personne qui le donne. Si la première version de cette œuvre avait été présentée en 2013, l’ouverture aux témoignages a été reconduite en vue de l’exposition à la Fondation Phi en cette année 2019. L’appel demande à des femmes « de tout âge, de tous les pays » de témoigner d’un tort qui leur a été fait parce qu’elles sont femmes. Il n’y a pas d’autres instructions cette fois-ci. Il n’y a pas de filtre. Ces textes, dont les tailles, formes et langues varient, sont glaçants, tristes, mais aussi encourageants pour certains. Elles nous confient, les yeux dans les yeux, leurs secrets, leurs pensées, leurs regrets et leurs ambitions.
Quitter l’exposition donne l’impression d’y avoir passé des heures tant elle est captivante. Cette plongée dans l’univers de Yoko Ono permet de prendre conscience de l’étendue de son travail, tant d’un aspect temporel que thématique. Si l’aspect ludique de l’exposition pouvait risquer de lui donner un côté réducteur, ceci est rapidement contrebalancé par la portée des œuvres de Yoko Ono qui dépassent le simple attrait de la participation.