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Vivre avec, mais ensemble

Présentation de la Maison d’Hérelle, centre de soins pour personnes vivant avec le VIH.

Evangéline Durand-Allizé | Le Délit

Lorsque je suis arrivée pour mon premier jour de stage à la Maison d’Hérelle, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. Tout ce que je savais était que j’allais entrer dans le quotidien d’une maison d’hébergement au fonctionnement atypique pour personnes en perte d’autonomie vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). J’avais déjà été sensibilisée à cette maladie chronique lors d’un stage deux ans auparavant, dans un foyer pour enfants vivant avec le virus. Cette fois-ci, l’âge des résident·e·s me promettait une toute autre expérience : la majorité ayant été touchée au début de l’épidémie dans les années 1980, j’allais être confrontée à différents profils, avec une histoire et des souvenirs témoignant de l’évolution de la maladie, tant au niveau médical que sociétal. 

Une trajectoire changeante 

La Maison d’Hérelle a ouvert ses portes en 1990 afin de pallier au manque de ressources offertes par la ville de Montréal. Son but premier était d’offrir des soins palliatifs dans un milieu empathique aux personnes mourant du Syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA). L’organisme entretenait alors — et c’est toujours le cas — une vision globale de la santé, prenant en compte la personne à part entière au lieu de se concentrer seulement sur la maladie. Un des aspects fondamentaux de cette vision holistique est l’offre de soins complémentaires à ceux de la médecine générale afin de rendre le plus agréable possible ces derniers moments, et d’éviter de réduire la personne à sa maladie.

L’organisme [entretient] une vision globale de la santé, prenant en compte la personne à part entière

L’histoire de la Maison d’Hérelle suit celle de l’évolution du VIH/SIDA. En effet, à partir des années 2000, avec l’avènement des antirétroviraux et de la trithérapie, la maladie peut se traiter et se gérer. Les personnes atteintes peuvent vivre aussi longtemps qu’un individu qui ne l’est pas. Dès lors, le rôle et le but de la maison d’hébergement changent radicalement. Les soins palliatifs n’étant plus sa responsabilité majeure, le centre médical et associatif doit désormais répondre aux aspects connexes de la maladie. La maison devient alors un centre de transition, de repos ou de convalescence où sont accueillies les personnes atteintes du VIH qui souffrent aussi d’autres conditions particulières. La marginalisation, la précarité, l’itinérance, la détention, l’addiction, la maladie et les problèmes psychologiques et moteurs sont également des aspects qui entrent en jeu et sont pris en compte dans le cadre des soins apportés aux résident·e·s.

L’autonomie avant tout

La Maison a effectivement un fonctionnement atypique ; l’une de ses caractéristiques est que l’autonomie des résident·e·s est placée au cœur de la démarche de soin. Cela se manifeste de plusieurs manières. Premièrement, ce sont les résident·e·s qui décident quand et si il·elle·s intègrent la Maison. Lorsqu’un·e résident·e potentiel·le y est référé·e, un·e représentant·e va à sa rencontre et lui présente la vision de la maison, son fonctionnement, ses règles afin que celui-ci décide si le système lui convient. 

Le cas échéant, le·a résident·e sera assigné·e à un·e intervenant·e lors de son arrivée, et ensemble il·elle·s élaboreront un « projet personnel », qui permettra de fixer des objectifs et d’établir une marge de progression, qui déterminera ensuite la date de son départ, soit vers une autre institution ou organisme, soit dans un appartement. Ces objectifs sont de nature variée, et changent d’un·e résident·e à un·e autre : retrouver une meilleure forme physique, prendre du poids, trouver un travail, prendre ses traitements de manière autonome, ou encore réussir à s’éloigner d’un·e conjoint·e violent·e par exemple. Les résident·e·s sont  libres de partir à tout moment.

La marginalisation, la précarité, l’itinérance, la détention, 

l’addiction […] sont également pris en compte dans le cadre des soins apportés

D’autre part, la maison fonctionne de manière horizontale et participative. Régulièrement se tiennent des réunions rassemblant divers membres de l’équipe ainsi que tou·te·s les résident·e·s ou leurs représentant·e·s, afin de discuter d’éventuels problèmes, d’écouter les suggestions et de noter les progrès qui pourraient être mis en place. Lors d’une réunion à laquelle j’ai assisté entre les résident·e·s et la directrice de l’organisme, un sujet qui est ressorti est l’utilisation des téléphones portables à table. Comme c’est le cas dans certaines maisons, la règle de ne pas utiliser son téléphone aux repas a été instaurée. Une telle règle — qui peut sembler anecdotique — témoigne des efforts mis en place afin de privilégier le bien-être des résident·e·s et le vivre-ensemble, qui s’étend à tous les aspects de la vie quotidienne, au-delà des soins individuels. 

Une approche holistique

Un autre aspect particulier du centre de soins est la transmission d’une vision globale de la santé. En effet, bien que les résident·e·s doivent suivre la thérapie prescrite par le corps médical, la maison a toujours intégré des compléments afin de favoriser le bien-être des personnes. L’équipe essaye de soulager les symptômes dont souffrent les résident·e·s (neurologiques, psychologiques, physiques, moteurs) au maximum, par des soins et des activités complémentaires aux soins médicaux.

C’est ainsi que, toujours bénévolement, une massothérapeute vient partager son expertise à la maison, que certains membres de l’équipe apportent leur savoir en naturopathie ou encore qu’un potager a été mis en place afin de faire profiter des aspects positifs que procure le jardinage sur la santé mentale. Grâce à ce genre d’approche, une bénévole a, par exemple, réussi à calmer un résident qui présentait des signes de crise d’épilepsie grâce à sa formation en Reiki, une méthode de soin japonaise qui joue sur la balance énergétique de la personne.  Le fait que l’équipe prête attention à différents aspects de la santé et propose des alternatives a démontré un effet plus que positif, tant au niveau individuel que communautaire.

L’équipe essaye de soulager les symptômes […] au maximum, 

par des soins et des activités 

complémentaires aux soins médicaux

Au-delà des multiples enseignements que m’a apporté ce stage, notamment au niveau de la gestion de résident·e·s, de la maladie, du fonctionnement d’un organisme communautaire, les résident·e·s eux·elles-mêmes sont ceux·celles de qui j’ai le plus après. J’étais en effet amenée à les côtoyer au quotidien grâce à mon rôle de stagiaire -— les assister à faire leur toilette, emmener chez le médecin ceux·celles qui ne pouvaient s’y rendre seul·e, les accompagner pour une promenade ; ce sont ces activités quotidiennes qui m’ont permis de petit à petit apprendre à les connaître et à établir un lien de confiance et d’amitié. Grâce à cela, certain·e·s se sont mis·e·s

me confier des histoires personnelles, m’expliquant le début de la maladie, les obstacles auxquels il·elle·s ont dû faire face, ainsi que leur peine de ne plus pouvoir vivre seul bien qu’il·elle·s soient conscient·e·s des raisons de ce changement. Certain·e·s m’ont également témoigné leur joie d’être entouré·e·s dans cette maison et la satisfaction qu’il·elle·s éprouvent à en faire partie. L’équipe y est en effet extraordinaire, impliquée et empathique, et je pense que cela fait toute la force de l’organisme.

Le site web de La Maison d’Hérelle, pour faire des dons et pour plus d’informations sur le bénévolat :

http://​maisondherelle​.org/


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