Toute campagne électorale vient avec son lot de péripéties. Les agitations des partis et des électeur·rice·s défilent quotidiennement dans les journaux, mettant en évidence les ressorts d’une scène politique déchirée entre spectacle et gravité. L’accès au poste de Premier ministre donne l’impression d’un duel, entre un Scheer (Parti conservateur) inquiétant, et un Trudeau (Parti libéral) qui se souhaite toujours platement consensuel. Autour des deux partis en tête des sondages, quatre autres : le Nouveau Parti démocratique, le Parti vert, le Bloc québécois, et le Parti populaire. Les débats qui polarisent les partis sont propices à la contention, autant vis-à-vis des questions d’immigration, de laïcité, que d’environnement. À moins de deux semaines du vote, les élections ont réactivé la brutale machine politique, éreintante pour les minorités prises d’assaut dans les débats et assez alarmante quant aux répercussions de la nouvelle composition de la Chambre des communes.
À McGill, la communauté étudiante est silencieuse vis-à-vis des élections de 2019, tout comme en 2018 pour les élections provinciales, ou en 2017 pour les élections municipales. Ce silence interroge quant à l’implication des étudiant·e·s mcgillois·es dans la vie politique canadienne, ainsi que celle de McGill.
Nous aurions tort de nous féliciter de notre seule présence à l’université. S’il est vrai que cette institution accorde à plus d’un·e d’entre nous les compétences cruciales permettant de comprendre les joutes politiques et la gravité des enjeux, trop peu souvent agissons-nous en vertu de ces mêmes compétences. Il est facile d’oublier le rôle que peut jouer une institution aussi reconnue que McGill, sans oublier les acteur·rice·s y oeuvrant. Tant l’université, en tant qu’institution, que le corps étudiant qui la constitue, nous sommes à chaque année engagé·e·s dans des activités politiques larges, aux ramifications profondes. Les recherches y étant conduites et les chercheur·se·s y enseignant un corpus d’un certain genre collaborent ou non à la situation politique actuelle. Prenez ces professeur·e·s en économie classique, ces autres en génie des mines ; ils·elles sont activement impliqué·e·s dans la construction d’un Canada qui ne pourra respecter ses engagements écologiques. La politique politicienne reposant souvent sur le savoir constitué au sein d’une nation, le rôle politique des universités et des étudiant·e·s est, quoique dissimulé, décisif. Cela, c’est avec pragmatisme qu’il faut le concevoir. Que pouvons-nous en tirer au niveau de l’implication des jeunes ?
Lors de la manifestation du 27 septembre dernier, l’on entendait de nombreux·ses jeunes s’exclamer qu’il·elle·s ne souhaitaient plus être ignoré·e·s par l’élite politique du pays. Par calcul stratégique ou par réelle conviction, Justin Trudeau, Elizabeth May, Yves-François Blanchet et Jagmeet Singh ont placé l’environnement au cœur de leur plateforme électorale, avec des engagements plus spectaculaires les uns que les autres. Il reste à voir si ces politiques rejoindront les 18–24 ans, qui historiquement ont le plus bas taux de participation de toute catégorie d’âge, et si elles les convaincront d’aller exercer leur droit de vote. Élections Canada explique ce désengagement des jeunes vis-à-vis de la vie politique notamment par un manque de confiance dans le système démocratique. Les mouvements au Canada prônant l’urgence et la justice climatique condamnent l’inaction du gouvernement, ou son action meurtrière sur l’environnement. Il est probable qu’un grand nombre de jeunes et d’étudiant·e·s ne souhaitent pas se saisir de leurs outils démocratiques et de s’engager au moment des élections, ne percevant pas la possibilité d’une influence réelle dans le processus décisionnel. Si leurs bottines ne suivent pas leurs babines, il est fort à parier qu’il·elle·s se retrouveront avec un parlement qui ne leur ressemble pas.