« Je n’ai pas de mots, que des prières. […] Je n’ai que des prières pour les femmes qui sont disparues ou assassinées » , a déclaré Nina Segalowitz avant de commencer une performance de chant de gorge traditionnel en compagnie de sa fille, Sierra, vendredi dernier. « Ce soir, je chante pour les femmes qui sont seules et qui ne sont pas respectées. J’espère qu’elles trouvent leur voix. J’espère qu’elles retrouvent la sécurité » , a‑t-elle continué, rendant hommage aux plus de 582 femmes et filles autochtones disparues ou assassinées depuis 2005 (chiffres : Association des femmes autochtones du Canada), à l’occasion d’une vigile organisée en leur honneur à la Place des Arts. Plusieurs centaines de personnes ont assisté à cette 14e vigile annuelle pour les femmes, filles, personnes transgenres et bispirituelles autochtones assassinées ou disparues. Pour débuter la soirée, Annie Pisuktie, secrétaire de l’Association des Inuits du Sud du Québec (Inuit Siqinirmiut Quebecmi Ilaujut / Southern Quebec Inuit Association) et elle-même survivante de violences, a pris la parole pour raconter son histoire. Elle a aussi rappelé la disparition de Donna Paré, une femme inuite originaire d’Iqaluit dont la disparition à Montréal a été rapportée le 26 mars dernier.
De nombreux·ses artistes se sont également succédé·e·s pour rendre hommage aux différentes familles et communautés autochtones touchées par ces disparitions. Notons la présence des poètesses Marie-Andrée Gill (Chauffer le dehors, Frayer, Béante) et Maya Cousineau Mollen, qui a lu des extraits de son recueil Bréviaire du matricule 082. Étaient également présent·e·s Rebecca Belmore, une artiste Anishinabée qui était exposée au MAC jusqu’au 6 octobre, ainsi que les Buffalo Hat Singers, un groupe de chanteurs de powwow contemporain basé à Montréal.
Selon le rapport final de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, sorti au début du mois de juin, le taux d’homicide des femmes autochtones est 5 fois plus élevé que celui des femmes en général au Canada. Les effets continus du racisme, du colonialisme et du sexisme vécus par les peuples autochtones comptent parmi les causes associées à cette crise. « Nous devons restaurer l’aspect sacré de notre Mère » a déclaré MamaBear (Louise McDonald, Mère du Clan de l’Ours de la communauté Mohawk d’Akwesasne) lors de son discours d’ouverture, expliquant ensuite les liens entre la crise environnementale et la crise sociale liée aux féminicides autochtones. « Plus notre planète se fait manquer de respect et plus nos femmes et nos filles disparaissent », a‑t-elle affirmé, propos qui rejoignent ceux d’Ellen Gabriel, écoféministe autochtone selon qui « les problèmes auxquels font face les Autochtones sont imputables à des lois et des politiques coloniales qui permettent aux entreprises de prospérer grâce à l’extraction des ressources naturelles et à l’appropriation des terres autochtones de manière négligente et déresponsabilisée » (Faire partie du monde : réflexions écoféministes). MamaBear a conclu son discours avec espoir, remerciant tout le monde de s’être présenté à l’événement : « J’ai de l’espoir parce que vous êtes venu·e·s […] je pense que la société, c’est les gens. Et le changement vient de gens qui se présentent. »
« Pour toutes les personnes allochtones, maintenant que vous savez, vous avez une responsabilité d’écouter, d’écouter davantage et de faire quelque chose » , a conclu Dayna Danger, une des responsables du Centre de lutte contre l’oppression des genres, un des organismes chargés de l’organisation de l’événement. Des bénévoles du Foyer pour femmes autochtones de Montréal, l’autre organisme ayant planifié le vigile, étaient présent·e·s sur place afin d’amasser des fonds pour le projet Iskweu, initiative qui vise à aider les familles de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées.