Sur la photo de couverture de la page Facebook « Wexit Alberta » apparaît en anglais le slogan suivant : « Si Justin Trudeau est réélu le 21 octobre, je serai séparatiste le 22 octobre ». À voir la croissance fulgurante de ce mouvement séparatiste à saveur conservatrice qui s’est produite récemment, on peut dire que ce slogan a fait écho chez plusieurs électeurs de l’Ouest canadien.
Au début de la soirée électorale, le 21 octobre dernier, le groupe Facebook VoteWexit.com comptait environ 4 000 membres ; six jours après l’élection, ce nombre s’élevait à 255 387.
La naissance d’un mouvement
Le mouvement Vote Wexit se déploie dans les quatre provinces à l’ouest de l’Ontario, soit le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique. Ce phénomène est particulièrement visible sur les réseaux sociaux, mais n’est pas encore représenté par un parti politique de taille. Des quatre branches provinciales du Wexit, seules celles de l’Alberta et la Saskatchewan possèdent des sites Internet, qui témoignent entre autres de leurs démarches pour devenir des partis politiques reconnus .
Ce mouvement semble largement associé à des politiques économiques et sociales conservatrices ainsi qu’à une amertume à l’égard de l’est du pays. « Nous avons été trahis par des électeurs ingrats de l’Est canadien, qui nous ont craché à la figure, pendant qu’ils nous regardaient souffrir de la perte de nos emplois… Trop de taxation… Trop de réglementation », écrivait en anglais Peter Downing, chef de file du mouvement, sur Facebook à l’annonce de la victoire libérale. « Reposez-vous ce soir. Car demain nous commençons notre chemin vers l’indépendance ».
L’Alberta en tête d’affiche
Bien que le mouvement se veuille pan-ouest-canadien, il semble être concentré en Alberta. À date, seul le Wexit Alberta a publié une plateforme officielle avec des visées et des objectifs politiques clairs : la liberté économique, la stabilité sociale et la souveraineté de l’Alberta. Les valeurs de droite véhiculées par le mouvement se traduisent à travers des promesses de maintien du taux d’imposition entre 15% et 19%, de renforcement du système pénal, d’immigration basée sur les besoins sociaux et économiques et de souveraineté face au Canada et aux Nations-Unies, avec notamment le retrait de l’Accord de Paris. Le mouvement promeut également la transparence politique en promettant des référendums sur tous projets de loi non inclus dans les plateformes électorales ainsi que des sanctions pour toute promesse non tenue.
Un nouveau clivage ?
Cette dialectique canadienne tend ainsi à déplacer la dualité traditionnelle de la langue vers une dualité territoriale et idéologique. Pourtant, le régionalisme de l’Ouest ne date pas d’hier, puisque le Parti réformiste de Preston Manning, ayant existé de 1987 à 2000 avait l’objectif avoué de promouvoir les intérêts de ces provinces.
Alors que les libéraux ont fait élire la vaste majorité de leurs députés et députées à l’est du Manitoba (142 sièges sur 157 obtenus), les conservateurs ont quant à eux acquis 71 de leurs 121 sièges à l’ouest de l’Ontario. Cette scission est d’autant plus frappante que 97% des sièges de l’Alberta et 100% des sièges de la Saskatchewan sont occupés par des conservateurs.