Le mercredi 30 octobre, le conseil municipal de la ville de Toronto votait une motion condamnant la loi 21. Cette condamnation s’inscrit dans un effort, amorcé par la ville de Calgary, de dénonciation au Canada de la loi québécoise sur la laïcité. Le jeudi 24 octobre, la commission scolaire English-Montréal saisissait les tribunaux dans le but de contester plusieurs articles de cette loi, celle-ci rendant impossible la pratique professionnelle de certain·e·s enseignant·e·s. Selon la commission, la loi a un impact particulier sur les femmes voilées, et force la commission d’en discriminer à l’embauche. La loi 21 n’a cessé, avant et depuis son vote en juin dernier, de délier les langues de l’opposition, pointant surtout l’islamophobie dont est empreint le texte. Plusieurs mois après son vote, la loi sur la laïcité doit rester un sujet pour ne pas se satisfaire d’un statu quo dangereux pour les minorités religieuses au Québec.
Justin Trudeau avait annoncé durant sa campagne des élections fédérales qu’il ne se prononcerait pas sur la loi, pour finalement la contester plus tard, et affirmer après sa réélection qu’il ne « [peut] pas fermer la porte à défendre les droits fondamentaux ». François Legault, premier ministre caquiste, a répondu en insistant que les affaires québécoises devaient se restreindre à la province, d’autant plus qu’une majorité de la population québécoise était favorable à la loi. Parallèlement, le gouvernement québécois a annoncé un test de valeurs applicable aux personnes immigrantes (p.3). Parmi ces valeurs, des notions d’égalité femme-homme. Étant donné que la loi 21 discrimine particulièrement les femmes voilées, qu’elle police leurs corps sans les consulter, qu’elle les marginalise et réfute leur identité, il est particulièrement hypocrite de la part du gouvernement de se porter garant des luttes pour l’égalité entre les genres, et d’en faire un critère d’accession au territoire.
Le voile est devenu un objet qui cristallise les relents nationalistes et xénophobes des sociétés occidentales. Alors que les crimes haineux envers les populations musulmanes au Québec connaissent une hausse exceptionnelle, l’on doit s’inquiéter d’une telle désolidarisation, si réelle solidarité il y a vraiment eu, du gouvernement vis-à-vis des minorités religieuses et racisées qui habitent le territoire. Le constat est assez alarmant, les scènes politiques et médiatiques deviennent des lieux où l’islamophobie ne se camoufle plus.
De quelle laïcité nous parle-t-on quand un voile porté est une plus grande menace à cette laïcité que la croix chrétienne scintillante posée au sommet du mont Royal ?
De quelle laïcité nous parle-t-on quand ce concept même de laïcité est utilisé comme outil discriminatoire ?
La loi 21, car elle est liberticide et basée sur des stéréotypes racistes et sexistes est l’incarnation de l’islamophobie d’État. Près de cinq mois après le vote de la loi, rester silencieux·se·s face à cette violence d’État serait tolérer la marginalisation orchestrée par les décideur·se·s politiques. L’islamophobie, car elle exclut, car elle tue, ne peut et ne doit pas être appuyée par une loi. Alors, espérons que l’effort de condamnation porté par celles et ceux cité·e·s plus haut, et d’autres, perdure et fasse bouger les lignes d’une loi qu’on ne devrait pas oublier.