Les discussions concernant la santé mentale se sont multipliées depuis quelques années à McGill. S’il faut saluer nombre des revendications avancées de part et d’autre, l’entrevue présentée dans le Délit de cette semaine (pp.10–12) nous amène à réfléchir sur les causes plus profondes entourant la santé mentale.
La santé, si nous la prenons holistiquement, doit être considérée dans ce qu’elle a de généalogique. On ne peut, par exemple, séparer le milieu dans lequel évolue un groupe et les marques profondes qu’il laissera sur eux. Prendre au sérieux la santé mentale demande à ce que l’on discute d’architecture, d’éducation, d’urbanisme, de socialité. Autrement, s’il l’on ne prend la santé mentale qu’au moment de son absence, lorsqu’on ne traite que des symptômes, toute prévention est impossible. Un regard sur le pathologique suppose un regard sur la prévention, c’est-à-dire sur toutes les conditions de possibilité amenant un corps à figurer tant la santé que la maladie.
Dans une société capitaliste et technique telle que la nôtre, cela revient à affirmer qu’un certain corps est promu, donc qu’une certaine santé mentale est mise de l’avant. Le système dans lequel nous évoluons demande à ce que notre attention réponde à des dimensions technologiques qui échappent presque totalement à nos propres capacités cognitives et économiques. Il inquisitione notre temps et notre énergie. Sans chercher de nous la bonne vieille culture agonistique de l’Antiquité, il ne parle qu’en terme d’efficience et de rendements. En quelque sorte, nous vivons dans une culture pour laquelle notre économie corporelle est celle d’une machine. Il n’est donc pas étonnant que l’on cherche à nous raffistoler suivant cette même logique.
Conséquemment, le réductionnisme machiniste tel que présenté actuellement par l’administration de l’Université McGill ne peut continuer. McGill comprend une division de psychiatrie sociale et transculturelle à la pointe de la recherche mondiale. Elle devrait donc être au fait des brillants travaux du Dr. Laurence Kirmayer, chercheur, professeur et directeur au sein de cette même division. Ses travaux en psychiatrie nous amènent — à juste titre — à considérer nombre de politiques qui pourraient être mises de l’avant l’administration, sinon par nombre d’universités québécoises. L’aspect culturel de la dépression ou des troubles d’anxiété généralisée pourraient être revue à neuf. Nous osons espérer qu’ils en prendront note.