Si nous connaissons son nom, ses autoportraits et sa Nuit étoilée, mis en scène lors de l’exposition « Imagine Van Gogh », le parcours personnel touchant de Vincent Van Gogh passe souvent inaperçu.
Vie de Van Gogh
Né aux Pays-Bas au milieu du 19e siècle, il grandit dans une famille bourgeoise. Enfant silencieux, souvent immergé dans ses pensées, il réalise ses premiers dessins durant son adolescence. À l’âge de 16 ans, il devient apprenti chez Goupil & Cie, une firme spécialisée dans la vente de tableaux, dessins et reproductions. Van Gogh critique cependant le traitement de l’art comme une simple marchandise, ce qui mène à son licenciement. Il enchaîne alors les petits emplois, voyageant entre l’Angleterre et les Pays-Bas, mais ne s’épanouit que lorsqu’il exprime sa passion artistique. Ayant développé un grand intérêt pour la théologie, il s’engage en tant qu’évangéliste en Belgique. Pendant sa mission, il prend conscience de la précarité qui habite les classes populaires et souhaite en témoigner, en peignant le travail des mineurs par exemple. Néanmoins, cette proximité lui coûte son poste puisque le comité d’évangélisation l’accuse d’inciter ces mineurs à l’insoumission salariale. Van Gogh est démis de ses fonctions et rentre chez ses parents.
Les relations familiales étant cependant tendues, Van Gogh se brouille avec son frère et confident Théo, puis avec son père qui cherche à le faire interner. Il se consacre alors à plein temps dans sa carrière d’artiste et s’entraîne en représentant des scènes quotidiennes par divers techniques (mine de plomb, fusain, crayon…). Vers ses trente ans, il s’installe à La Haye, où il rencontre Sien Hoornik, une ancienne prostituée dont il tombe amoureux. C’est à cette période qu’il commence la peinture à l’huile, bien que peu de ses croquis soient conservés : Van Gogh les détruisait lors de ses sauts d’humeur. Cette mélancolie provient en partie d’un sentiment de mal-être parmi le public élitiste du monde de l’art, ce qui pousse Van Gogh à se placer en retrait des mondanités pour quelque temps. Sa relation avec Sien Hoornik se termine et la peinture devient alors un remède à sa solitude.
Désolé par le climat familial, Van Gogh décide de rejoindre son frère Théo à Paris. Il s’initie là-bas à la peinture impressionniste et rencontre Georges Seurat, Camille Pissarro et Paul Gauguin. Ses toiles s’enrichissent : il s’essaie à l’aplat, joue avec les couleurs vives, prenant plus d’aisance et de liberté. Régénéré et à la recherche d’une lumière plus pure, il se rapproche de la douceur méditerranéenne à Arles. Ses crises d’angoisse rendent cependant difficiles ses relations sociales et c’est de force qu’il est interné dans un hôpital psychiatrique. Malgré son état de santé fragile, la peinture est utilisée de manière cathartique. Van Gogh peint ce qu’il voit par sa fenêtre, les champs de blé, les étoiles et les cyprès. Au sommet de son art, Van Gogh est retrouvé mort dans sa chambre à l’âge de 37 ans (la raison de son décès reste encore débattue). L’œuvre qu’il laisse derrière lui est immense (plus de 2000 pièces), dont une partie est mise à l’honneur au centre Arsenal Art contemporain.
Une exposition immersive
« Imagine Van Gogh » se présente comme étant une exposition immersive, dans laquelle le spectateur est actif face aux œuvres du maître néerlandais. La salle d’exposition accueille en effet sur ses murs « l’image totale », c’est-à-dire des projections de certains tableaux en très grandes tailles. Parfois entiers, parfois centrés sur un détail, les croquis et peintures se succèdent, seule lumière dans la pénombre de la salle. Le spectateur se repère alors à la vue, mais également à l’oreille, puisque des morceaux de musique classique sont diffusés en parallèle (Bach, Saint-Saëns et Schubert, entre autres).
Ce concept de « l’image totale » a été pensé dans les années 1970 par le journaliste et artiste français Albert Plécy. Il installe en effet sa « Cathédrale d’images » au sein des carrières de calcaire blanc des Baux-de-Provence, dans lesquelles les parois immaculées servent de réceptacles aux projections artistiques. Le spectateur est alors « intégré et immergé » selon Plécy, évoluant au sein de cet espace atemporel. Intéressés par cette méthode de mise en valeur de l’art, Annabelle Mauger et Julien Baron décident de la répliquer pour accueillir les œuvres de Van Gogh à Paris puis à Montréal.
Le numérique au service de l’art
En dépoussiérant son mode de présentation, l’exposition permet ainsi une certaine démocratisation de l’art. Adultes et enfants peuvent déambuler au sein de la pièce de projection, jouer avec les formes, observer l’adéquation entre les formes et les sons. On se sent comme dans une bulle, enveloppé, les sens en ébullition, oubliant presque les autres spectateurs autour de soi. Le numérique permet donc ici de rendre plus accessible cette initiation à l’impressionnisme, d’une part en surprenant le spectateur, puisque cette technique de projection reste encore peu répandue. D’autre part, le numérique invite le spectateur à être actif dans sa visite, puisque celui-ci est littéralement incorporé aux œuvres.
L’exposition a cependant le défaut de ne pas inclure les noms et dates des œuvres lorsque celles-ci sont présentées : elles se succèdent sans explication. S’il est vrai qu’une biographie du peintre est présentée en début d’exposition, d’autres informations seraient nécessaires. Une réelle démocratisation pourrait exiger une transmission non seulement visuelle, mais aussi accompagnée d’histoire de l’art.
Impressions japonaises
Si Van Gogh est en effet principalement connu en tant que peintre de l’impressionnisme, ses œuvres sont également marquées par le japonisme. Ce courant résulte de l’influence qu’a eu l’art japonais en Europe, notamment grâce aux relations diplomatiques engagées dans la seconde moitié du 19e siècle, sous l’ère Meiji. Van Gogh a reproduit plusieurs travaux japonais, qu’il considère d’une grande finesse esthétique, puis s’en est inspiré pour réaliser des arrière-plans aux couleurs intenses – l’arrière-plan de Père Tanguy par exemple.
Les estampes japonaises ont d’ailleurs influencé plusieurs peintres de l’impressionnisme, qui ont tenté de reproduire ses jeux de lumière et ses sensations de mouvement. En effet, les traits de pinceau visibles des peintures impressionnistes accentuent la mobilité des choses et des lumières, captant les flots fugitifs des paysages. La Nuit étoilée incarne ce courant artistique, en présentant le tournis des nuages et la rondeur de la lune par des successions de traits. Les lumières jaunies contrastent avec la pénombre bleutée de la nuit, comme pour nous rappeler que les éléments vivent même lorsque la ville est endormie.
Le lyrisme des œuvres fait ainsi de cette exposition un petit havre de paix dans lequel le « gravement beau » enchante les spectateurs.