Quelques jours, une semaine ou plus. On ne sait pas quand exactement cette situation s’est transformée en crise. Pour nous — étudiant·e·s du Québec ou d’ailleurs, plus ou moins éloigné·e·s des nos proches — la pandémie de COVID-19 se traduit d’abord par un bouleversement sans précédent de nos quotidiens. Le vendredi 13 mars, le premier ministre prenait parole et ancrait la réalité du coronavirus dans notre contexte québécois. C’est l’incertitude qui nous a réveillés les premiers matins. C’est elle qui nous faisait nous lever, continuer une journée sans cours et, pour beaucoup, sans réelle structure. Et peut-être nous réveillons-nous chaque jour un peu plus habitué·e·s à l’inhabituel, à cet exercice d’équilibrisme qui peut nous abîmer, nous faire peur, mais dont on conçoit le caractère inévitable.
Les nouvelles que l’on peut lire — et il y en a tant — nous indiquent des chiffres qui suivent une tendance exponentielle et des sociétés angoissées à l’idée d’une saturation de leurs institutions. Des mesures gouvernementales : fermeture des universités, des lieux de rassemblement, des frontières. Ces nouvelles, et elles sont partout, se transforment en conversations – car de quoi parlerions-nous sinon – et nous donnent la structure que nous perdons. Sans l’information, il serait facile d’ignorer ce que signifie réellement la mise en pause de notre ordinaire. Il serait facile de ne pas mesurer la gravité, l’immensité du mur qui s’érige devant nous et la fragilité du sol qui s’effondre peu à peu sous nos pieds. Alors, l’on vit au rythme des déclarations et nos coeurs battent ensemble, tachycardent parfois, dans l’attente de la nouvelle qui nous rassurera.
Cette pandémie nous donne l’impression d’un terrain encore inexploré pour nos sociétés : nous ne savons pas tout de ce virus ni ne comprenons pas parfaitement comment y réagir efficacement. Nous apprenions cette semaine que notre tranche d’âge ne serait pas épargnée des complications qu’il cause. De plus, nous ne savons pas forcément lorsque l’on est porteur·se du virus, d’où la nécessité de respecter la distanciation sociale indiquée. Pour ces raisons et d’autres, il est impératif que nous soyons tous·tes conscient·e·s du risque que nous représentons pour nous et pour les autres. Pensons au personnel soignant qui, au Québec, dans les autres provinces du Canada, mais aussi à travers le monde, subit le poids écrasant des infrastructures inadaptées à l’ampleur de la crise sanitaire, ou qui se prépare à une vague de cas graves. Pensons à celles·ceux qui se mettent à risque en continuant de travailler, aux essentiel·le·s. Pensons à celles·ceux qui, déjà précarisé·e·s, se retrouvent d’autant plus touché·e·s par ces bouleversements. Pensons aux invisibles, qui sont seul·e·s le reste de l’année, ceux·celles pour qui l’arrêt du temps ne change presque rien. Pensons à nos états de santé physique et mentale, à ceux de nos proches, à celles·ceux qu’on ne connait pas mais qui pourraient subir par rebond le poids de notre laxisme.
On angoisse, on se plaint, on panique parfois et, quelque part, on a raison. Parce que c’est insupportable de ne plus se sentir en contrôle, de comprendre la fragilité de nos mondes, de réaliser que l’immunité n’existe pas, que les temps dans lesquels nous vivons sont anxiogènes et violents. Que la violence n’est pas répartie équitablement, qu’elle ne l’a jamais été, et qu’aujourd’hui, c’est seulement plus évident. Nous réveillerons-nous de cette crise suffisamment abasourdi·e·s pour nous rendre compte que nous évoluons dans un système reposant sur un équilibre précaire ? Comprendrons-nous qu’il s’agit, oui, d’une crise sanitaire, mais aussi sociale, politique et économique ? Que la malchance n’existe pas, mais que les avertissements que l’on ignore constamment sont eux bien réels ?
Nous attendons le retour à la vie normale. La fracture sociétale qui se joue ces semaines-ci nous montre que cette vie-là n’est pas tenable, que le normal est un fantasme dont la (non)durabilité est alarmante, et la pandémie qui nous traverse met le doigt sur les failles d’un système que tant s’efforcent à dénoncer. Pour ces prochaines semaines, le temps sera à la prudence, à la solidarité mais aussi à la responsabilisation. Et l’on devra continuer à faire corps avec ces valeurs une fois cette crise passée.
Quelques ressources fiables :
Les mesures prises par le gouvernement québécois, ainsi que l’évolution de la pandémie sont disponibles ici :
https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a‑z/coronavirus-2019/
Et le guide autosoins du Québec :
Les nouvelles du gouvernement fédéral :
Pour consulter les recommandations et rapports de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur le nouveau coronavirus :