À l’école secondaire, j’entends pour la première fois le mot « autochtone », suivi de « reconnaissance » puis de « réconciliation ». On m’enseigne qu’il existe plusieurs langues autochtones, sans jamais qu’un seul de leurs mots ne soit prononcé. J’apprends à identifier sur une carte où habitent les différentes communautés – on parle toujours de Montréal, jamais de Tohtià:ke ou de Mooniyaangi.
On ne me parle pas de pensionnats, de stérilisations forcées ou même d’accès limité à l’eau potable et à l’électricité. On me dit que la population du Canada compte plus de 4,3% d’autochtones qui « font partie de l’identité de notre pays ». J’ai plutôt l’impression de solitudes qui ne s’écoutent pas, le droit de parole appartenant aux privilégiés.
Le Canada a été le fait de génocide, a provoqué l’invisibilisation des peuples autochtones et perpétue un colonialisme moderne. On peut fermer les yeux sur ce pan sombre de notre histoire collective, mais les effets pervers des violences systémiques continueront de se faire sentir. Combien faudra-t-il de femmes enlevées, violées, assassinées ? Combien de Joyce laisserons-nous mourir, sous l’oeil cruel d’une société viciée ?
Le décès de Joyce Echaquan a secoué le Québec. Eh non, monsieur Legault, votre belle province n’est pas dépourvue de ce racisme systémique. Elle en est plutôt gangrénée, et ce, au fondement même de sa civilisation. On ne peut plus parler d’un fossé entre nations, c’est désormais d’un véritable gouffre dont il est question.
Le Canada cache dans son placard un squelette qui pourrit depuis trop longtemps. Une loi vieille de deux cents ans qui exempte si gentiment de taxes ceux dont le sang est suffisamment « indien ». Une loi qui a arraché des enfants à leur famille pour les faire devenir plus « blancs ». Une loi qui justifie le pillage de terres ancestrales pour y puiser des ressources économiques. Une loi périmée qui garde sous sa tutelle des peuples dont l’on préfère ne pas s’occuper.
On peut s’opposer au racisme systémique, en dénoncer les déclinaisons les plus décomplexées, mais il faut frontalement questionner nos propres choix de société.
Il faut décoloniser nos lois, nos institutions et nos livres d’histoire. Sortir de l’hypocrisie collective afin, peut-être, de se « réconcilier ».