Le temps est en suspens au sommet de la montagne. Le soleil tue un autre dimanche doux de l’automne inespéré. Dans quelques heures, j’entamerai ma vingtaine alors que nous nous trouvons en semi-quarantaine. Le ciel au-delà de notre ville est empreint d’une lueur jaunâtre contrastant avec la grisaille des temps qui courent. Alors que se mêlent les générations, les classes sociales et les cultures, il y a en ce moment un socle unissant chaque personne présente, le fait de faire partie de ce tout montréalais, cette bulle où tout est possible. Ce moment nous le partagions, mais encore devions-nous prendre le temps d’arrêter et de savourer cette période de transe. Chose difficile dans une société qui carbure à l’instantanéité comme la nôtre. Cette année en sera peut-être une à oublier, il n’en demeure pas moins que toute situation, aussi difficile soit-elle, amène son lot de rires, de joies et d’espoirs. Jamais je n’oublierai cette journée qui se termina par la disparition graduelle du soleil ainsi que de la vie qui l’avait animée. L’attroupement qui s’était construit autour de la présence d’un raton laveur était à présent dispersé et chacun retournait dans l’anonymat qui caractérise nos grandes villes. Alors que nous étions unis il y a quelques minutes, chacun appréhendait à présent sa prochaine journée de télétravail ou d’école en ligne avec l‘appréhension du forçat qui retrouve sa cellule. Chacun reprendra sa sentence, seul et impuissant dans son isolement. Il est facile de se perdre et de se sentir seul actuellement, mais ces moments difficiles, nous les vivons tous, comme nous vivons les beaux. Nous formons un microcosme partageant sans problème ses hauts, qu’en est-il lorsqu’il est question de partager nos bas. Bien que reviendra bientôt la lueur du jour, cette journée s’estompe tranquillement et ne sera à présent qu’un souvenir parmi tant d’autres pour ceux et celles qui l’ont vécue. Ce souvenir disparaîtra à son tour tranquillement, laissant sa place à d’autres, plus beaux, plus laids ou plus récents. Dans le sablier de notre existence, le but n’est pas de s’accrocher à un seul grain, mais bien de reconnaître l’apport de chacun à façonner la plage de notre vie. Chose certaine, les souvenirs du 8 novembre 16:53 resteront vifs, jusqu’à la prochaine vague.
Parker Le Bras-Brown | Le Délit
Parker Le Bras-Brown | Le Délit