Le 10 décembre dernier, le Conseil des gouverneurs a approuvé la Stratégie climat et développement durable 2020–2025 de l’Université McGill, dont la version française devrait être publiée dans les prochaines semaines. Cette stratégie succède au plan Vision 2020 qui établissait pour la première fois deux grands objectifs de durabilité pour McGill, soit l’obtention de la certification Platine du système S.T.A.R.S. (la plus haute certification d’un système de mesure de performance en développement durable pour les établissements d’éducation supérieure) d’ici 2030 et la carboneutralité de l’Université en 2040. Vision 2020 comprenait aussi une série de sous-objectifs et d’actions précises à exécuter entre 2014 et 2020, qui auraient été accomplies à 94% selon Agathe Moreau, administratrice du développement durable de McGill. La Stratégie 2020–2025 ajoute un nouvel objectif de taille pour l’Université : devenir une institution zéro déchet – dont 90% des déchets seraient divertis vers le compostage ou le recyclage – d’ici 2035. En outre, la stratégie identifie 62 actions pour la période 2020–2025 dans huit domaines d’opération de McGill tels que l’approvisionnement, la recherche et l’éducation ou encore les systèmes alimentaires. Deux rapports d’avancement évaluant l’exécution des actions seront publiés en 2023 et 2025.
Mesures phares
L’Université McGill a formulé de nombreux engagements pour les années à venir, notamment la création d’une zone zéro déchet sur le campus qui sera un espace d’éducation et d’information sur la réduction des déchets. L’Université promet aussi la mise en ligne d’un module éducatif sur la durabilité qui sera accessible à toute la communauté mcgilloise. En ce qui a trait au domaine des transports et de la mobilité, McGill développe un programme de compensation des émissions de dioxyde de carbone en plantant des arbres au Panama. Pour son approvisionnement, l’Université s’engage à augmenter la quantité de produits et services qu’elle achète d’entreprises sociales et d’entreprises autochtones. François Miller, directeur exécutif chargé du développement durable, a expliqué au Délit que l’ensemble des mesures serait financé par les budgets d’opération des différents départements de l’Université, le fonds pour les projets de durabilité de McGill et l’aide des gouvernements fédéral et provincial.
Réactions étudiantes
Le Délit s’est entretenu avec Tristan Surman, l’un des deux mcgillois nommés « Top 30 under 30 » pour la durabilité au Canada par Corporate Knights, et avec deux membres de Désinvestissement McGill (Divest McGill), un organisme étudiant qui milite depuis 2012 pour que McGill retire ses investissements dans les cent plus grandes compagnies du secteur des énergies fossiles.
Tristan Surman a salué le travail que le Bureau du développement durable de McGill a effectué au cours des dernières années ainsi que les actions concrètes et les objectifs mesurables présentés dans la stratégie. Il a néanmoins exprimé des doutes quant à l’efficacité du module éducatif sur le développement durable. Selon lui, l’administration devrait plutôt se concentrer sur l’intégration de la durabilité à travers les divers curriculums offerts à McGill. Il a expliqué que cela permettrait aux étudiant·e·s de comprendre comment les compétences spécifiques à leur domaine d’étude pourraient contribuer à surmonter les défis de notre époque. Au-delà du volet environnemental de la durabilité, mis de l’avant dans les trois principaux objectifs de la stratégie 2020–2025, Tristan Surman a conseillé d’entamer une réflexion profonde sur le contexte social dans lequel évoluent les étudiant·e·s et sur celui dans lequel a été fondée l’Université. Il a mentionné à cet effet les recommandations que l’ancienne professeure d’histoire Charmaine Nelson et certain·e·s de ses étudiant·e·s ont émises à l’occasion du bicentenaire de McGill.
« Pour Désinvestissement McGill, ce refus de désinvestir [des énergies fossiles] empêcherait l’atteinte d’une réelle carboneutralité »
Les deux représentantes de Désinvestissement McGill avec lesquelles Le Délit s’est entretenu ont elles aussi salué les réalisations du Bureau du développement durable de McGill, dont la mise en place d’un système de compostage à travers l’Université ou encore le transport d’aliments cultivés sur le campus Macdonald vers le campus du centre-ville. Elles se sont cependant montrées critiques envers plusieurs aspects du plan, notamment l’absence de mention des investissements de l’Université. Cette omission tiendrait, selon elles, à la décision du Conseil des gouverneurs à poursuivre leurs investissements dans les énergies fossiles. Pour Désinvestissement McGill, ce refus de désinvestir empêcherait l’atteinte d’une réelle carboneutralité.
L’organisation environnementale a également appelé à une démocratisation du Conseil des gouverneurs, dont plusieurs membres ne sont pas élu·e·s, et à une plus grande transparence dans le processus de prise de décision. Les deux représentantes ont mis en garde la communauté mcgilloise face à ce qu’elles considéraient être des tentatives d’écoblanchiment de la part de l’administration.
Une place pour les initiatives étudiantes
La Stratégie pour le climat et la durabilité 2020–2025 présente de nombreuses opportunités d’implication pour les étudiant·e·s, les professeur·e·s et l’administration. Agathe Moreau a rappelé l’existence du fonds pour les projets de durabilité, qui verse chaque année un million de dollars à des initiatives étudiantes. Elle a également mentionné le dévoilement prochain de quatre ateliers de formation sur la durabilité développés en partenariat avec Skills21. Tristan Surman a quant à lui encouragé les étudiant·e·s à participer davantage aux séances de consultation sur le développement durable organisées par l’Université. De leur côté, les membres de Désinvestissement McGill ont invité les étudiant·e·s à prendre part au boycottage des épiceries Métro qu’organise actuellement l’organisation étudiante.