Dans le cadre de son Plan de lutte contre le racisme anti-noir, l’Université McGill a créé le poste d’agent de liaison aux Affaires des étudiant·e·s noir·e·s. Le Délit s’est entretenu avec Antoine-Samuel Mauffette Alavo, qui a inauguré ce poste le 11 janvier dernier.
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Une voix institutionnelle et individuelle
M. Mauffette Alavo se veut le représentant des voix noires sur le campus, faisant valoir leurs priorités, leurs besoins et leurs insatisfactions auprès de l’administration de l’Université quant au progrès du Plan. Simultanément, il a pour mandat de communiquer de façon transparente aux étudiant·e·s les efforts de l’administration dans sa lutte contre le racisme anti-noir, dans l’optique de faciliter et d’accélérer le dialogue entre les deux parties. « J’ai rencontré [les associations des étudiant·e·s noir·e·s et elles] sont fatiguées de faires des échanges d’énoncés, de lettres et de réponses [qui prennent parfois] deux mois » a‑t-il affirmé au Délit, soulignant que l’aspect « le plus clair » de son mandat est justement ce travail de liaison.
M. Mauffette-Alavo oeuvre également auprès des étudiant·e·s noir·e·s de manière individuelle, notamment en les aidant à naviguer le réseau universitaire s’il·elle·s ont une plainte en matière d’équité ainsi qu’à explorer des opportunités de stages, de bourses et de financement. Il a souligné que son expérience à titre d’ancien agent de liaison pour les Bureaux de stages des Facultés des arts et des sciences de McGill lui était utile à cet égard et qu’il avait déjà des plans pour multiplier les opportunités de stages auprès d’organismes des communautés noires montréalaises tels que Hoodstock, Pour 3 points et Desta.
Responsabilité et représentativité
En ce qui a trait à la mise en œuvre du Plan, M. Mauffette Alavo a mis en évidence la préoccupation des associations étudiantes noires – qu’il partage – quant à son application spécifique à chaque département de l’Université, qui ferait l’objet de moins de balises claires. « Quelle est [leur] responsabilité ? Où montre-t-on le progrès par département ? » Bien que l’Université puisse mesurer et montrer ses progrès quant au recrutement de professeur·e·s noir·e·s, le manque de données concernant les assistant·e·s de recherche et les assistant·e·s d’enseignement, entre autres, est matière à inquiétude, selon M. Maufette Alavo.
La représentativité constituerait également un défi de taille. « Ce que j’ai souvent eu comme rétroaction des étudiant·e·s noir·e·s est qu’ils·elles ne voient pas beaucoup d’étudiant·e·s noir·e·s montréalais·es à McGill. C’est quelque chose que j’avais moi-même remarqué durant mon temps à McGill, comme employé et comme étudiant », a‑t-il affirmé, étant lui-même originaire de Montréal. Il compte ainsi augmenter la visibilité et la popularité de l’Université comme une option réaliste auprès des élèves d’écoles secondaires de quartiers tels que Saint-Michel, Ahuntsic, Petite-Bourgogne et Côte-des-Neiges. « Il y a beaucoup de vulgarisation à faire pour rendre McGill une destination accessible pour les jeunes de Montréal. Les gens ne sont pas au courant qu’il est plus facile, au niveau cote R, de rentrer à la Faculté des arts que dans un programme de développement international à l’Université de Montréal, par exemple. »
« Mon but est aussi que les étudiant·e·s se sentent à l’aise d’être noir·e·s à Montréal »
Antoine-Samuel Mauffette Alavo
Les enjeux linguistiques contribueraient également aux défis du recrutement. « Ce n’est pas juste que [McGill] ne va pas à Ahuntsic ou à Saint-Michel. C’est aussi que [McGill] ne va pas suffisamment dans les écoles secondaires francophones. » À ce titre, le nouvel agent de liaison se dit heureux de pouvoir offrir aux étudiant·e·s noir·e·s un service en français et une expertise locale. « Mon but est aussi que les étudiant·e·s se sentent à l’aise d’être noir·e·s à Montréal, et qu’ils·elles aient accès à la totalité des ressources communautaires et culturelles montréalaises, pas qu’académiques et pas qu’à McGill. »
Une perspective sur le « mot en N »
Bien qu’il n’avait pas été nommé agent de liaison aux Affaires des étudiant·e·s noir·e·s au moment de la controverse mcgilloise quant au « mot en n », M. Mauffette Alavo confirme avoir discuté de cette affaire avec quelques étudiant·e·s depuis son entrée en poste.
→ Voir aussi : Débat sur le « mot en n » à l’Université McGill
« Je pense que le consensus, c’est que les étudiant·e·s souhaitent voir des mesures plus claires ». Il a affirmé qu’une « politique définissant la liberté académique » serait en cours d’élaboration et que des professeur·e·s et chaires de l’Université McGill seraient inclus·es dans le processus.
« C’est avec des politiques que l’on peut avoir un impact »
Antoine-Samuel Mauffette Alavo
« On veut éviter de blesser les étudiant·e·s en classe, éviter qu’il·elle·s ne vivent des événements troublants et traumatisants. Mais on doit avoir quelque chose de clair en réponse à ça : c’est avec des politiques que l’on peut avoir un impact. Je me concentre sur le changement institutionnel. »
Défis pandémiques
Le nouvel agent de liaison a affirmé que la COVID-19 avait exacerbé plusieurs difficultés pour les étudiant·e·s noir·e·s à McGill. Il a notamment fait part de sa préoccupation pour les étudiant·e·s de première année qui, même en temps normal, se seraient senti·e·s isolé·e·s et peu représenté·e·s au sein de la communauté étudiante. Avec le confinement, les événements sur le campus qui leur permettaient de tisser des liens et de développer un sens d’appartenance à une communauté ont été éliminés et les événements virtuels ne réussiraient pas à pallier cet isolement. « Les statistiques [de représentativité] n’aident pas. En virtuel, c’est encore plus difficile de voir des gens qui te ressemblent [lorsque tu es noir·e].»
M. Mauffette Alavo a témoigné de son souhait d’être une « personne-ressource » auprès des étudiant·e·s noir·e·s pour des enjeux tels que ceux mentionnés ci-haut. Il a cependant déploré qu’il serait beaucoup plus difficile de faire connaître virtuellement la nouvelle existence de son poste, lui qui avait l’habitude de visiter des classes et de se présenter pendant cinq minutes lorsqu’il travaillait pour les Facultés des arts et des sciences. Les efforts sur les réseaux sociaux et étudiants aideraient, tout comme sa participation à plusieurs événements du Mois de l’Histoire des Noir·e·s, mais il espère que l’automne 2021 lui offrira plus d’opportunités d’accès au campus et qu’il lui sera possible d’être présent dans l’«espace sur le campus pour les étudiant·e·s noir·e·s », un projet en cours d’élaboration.
« Les statistiques [de représentativité] n’aident pas. En virtuel, c’est encore plus difficile de voir des gens qui te ressemblent [lorsque tu es noir·e]»
Antoine-Samuel Mauffette Alavo
Enfin, l’annulation des spectacles et des festivals au cours de la dernière année a empêché M. Mauffette Alavo de faire la démonstration de ses talents de DJ, bien connus de la scène musicale montréalaise. Interrogé par Le Délit sur la possibilité qu’il fasse des sets au Open Air Pub (OAP) de McGill lorsque les mesures sanitaires permettraient le retour de l’événement, le nouvel agent de liasion aux Affaires des étudiant·e·s noir·e·s s’est montré très enthousiaste. « Moi, OAP, ça m’a toujours intéressé ! » Il a également souligné que ces événements seraient des opportunités de faire connaître de jeunes artistes montréalais·es et permettraient également d’amasser des fonds ou encore de tisser des liens communautaires. « J’espère continuer ça, […] la musique est une grande partie de ma vie. »