Cet été, les mobilisations du mouvement #BlackLivesMatter (La vies des Noir·e·s compte, ndlr) rappelaient au monde entier l’actualité de ses luttes et la persistance contemporaine des injustices qu’il dénonce. Chaque année, le mois de février vise à célébrer les personnes noires ; célébrer des communautés aux capacités, identités et réalités des plus diverses ; célébrer une « histoire » qui est tout sauf homogène, mais que l’on s’entête pourtant à écrire au singulier.
Le mois de l’Histoire des Noir·e·s résulte d’une initiative de Carter G. Woodson, fondateur de l’Association pour l’étude de la vie et de l’Histoire des Noir·e·s (ASNLH), une organisation dont le but premier était de faire avancer la recherche académique sur la culture et l’Histoire des Noir·e·s. Les célébrations débutent au milieu du 20e siècle aux États-Unis et cherchent à valoriser les figures importantes issues des communautés noires. Mais s’il s’agit de célébrer la résilience, l’innovation et la détermination des personnes noires, l’individu ne peut pas représenter la collectivité.
Au cours de ce mois de février, qui est célébré ? Pour qui ? Par qui ? Qu’en est-il des individus noirs qui ne sont pas acclamés par les médias, mais qui naviguent pourtant un monde pensé et conçu par et pour l’individu blanc ? Ce mois de célébration n’appartient-il qu’à une certaine part des communautés noires ? Comment l’individu noir peut-il s’y faire représenter ? Car si l’on ne célèbre que les grands apports, quels standards démesurés offrent-t-ils aux membres de ces communautés ?
« Je ne suis pas une statistique, ni seulement une couleur de peau ou la langue de mes ancêtres »
Un double standard s’applique en effet pour la personne noire, double dans sa portée et dans son poids. Une personne noire n’est pas responsable de ses seules actions : si celle-ci porte des locks, par exemple, elle sera bien souvent associée à la culture du rap, au mieux, ou aux gangs de rue, au pire. Dans l’imaginaire collectif, l’individu noir doit représenter sa collectivité, et ce, davantage lorsqu’il essaie de s’en affranchir. Émerge alors la pression sous-jacente de renvoyer une bonne image de ses semblables, parfois en vertu d’une appartenance infondée. À cela s’ajoute le double standard, notamment dans le milieu du travail où la discrimination positive doit encore bien souvent être employée. Si cette discrimination est bien sûr souhaitable et légitime, elle met la personne noire dans la position inconfortable d’être confrontée à cette dualité : méritais-je le poste pour mes compétences, ou m’utilise-t-on pour prouver une ouverture à la diversité ?
« Je suis une femme noire allophone. Dans le formulaire d’emploi, j’ai envie de cocher “autre”. Je suis d’abord un individu, pas le groupe que je représente ni les stéréotypes qui l’accompagnent »
La diversité dépasse l’espace interethnique et interculturel. Elle s’implémente à l’intérieur même de ces groupes distincts de sorte à créer une pluralité identitaire qui caractérise la richesse de l’espèce humaine dans son ensemble. Présenter au mois de février une série de personnalités publiques et montrer les éléments flamboyants des cultures africaines-américaines ne saurait englober l’entièreté de la richesse noire. Célébrer les personnes noires n’est évidemment pas le fait d’un seul mois par année. Pour permettre un dialogue collectif qui est inclusif et représentatif de la diversité de nos communautés, il faut inscrire chacun et chacune dans ce discours. Pas seulement les Rosa Parks, les Martin Luther King ou les Malcom X. Il faut faire place dans les espaces sur le campus de l’Université, faire place dans les œuvres étudiées, faire place dans les médias de cette même université, et impliquer, l’année durant, les communautés noires dans tous les secteurs de la vie communautaire.
Le Délit fait partie de ce discours communautaire, et si nos efforts de diversité et d’inclusion sont encore trop minces face à tout le chemin qu’il reste à parcourir, notre plateforme souhaite offrir à son lectorat la possibilité de s’enrichir, à travers l’édition de cette semaine, de la diversité que porte ce Mois de l’Histoire des Noir·e·s. Le Délit souhaite vous présenter quelques-unes des déclinaisons nombreuses de ces contributions, des plus énormes aux plus modestes. Car peu importe l’apport de l’individu dans la collectivité, la vie des Noir·e·s compte.
« J’aimerais reconnaître chaque personne noire, séparément, en dehors de son ethnicité, sa langue natale, sa religion, sa classe sociale. Je salue la personne noire soldat, la personne noire poète, la personne noire danseuse, la personne noire engagée, et toutes les autres »