Le 6 février dernier, une manifestation dénonçant la réponse du gouvernement Legault à la crise sanitaire de la COVID-19 a eu lieu à Montréal. La foule s’est rassemblée à la Place Émilie-Gamelin et a marché jusqu’à la Place du Canada. L’événement était organisé par le collectif Pas de solution policière à la crise sanitaire, qui regroupe plusieurs organisations d’aide communautaire de la région métropolitaine, dont l’Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues, le Collectif pour la justice raciale et Solidarité sans frontières.
Les leaders communautaires qui ont organisé l’événement ont tenu à se distancier du mouvement antimasque en exigeant que les mesures sanitaires soient strictement respectées par toutes et tous à l’événement.
Une camionnette montée d’un haut-parleur a permis aux porte-paroles de diffuser des discours et des rappels périodiques quant au respect des mesures sanitaires.
Depuis près d’un an maintenant, l’état d’urgence sanitaire permet au cabinet du premier ministre François Legault de prendre des décisions sans les processus de délibération démocratique habituels, en plus de lui permettre de reconduire l’état d’urgence unilatéralement, ont affirmé les groupes activistes. À la manifestation, certains groupes y voyaient une entrave à la démocratie, d’autres un dérapage vers l’autoritarisme. Plusieurs d’entre eux affirment que les décisions à grands traits de Québec témoignent de son manque de considération pour les personnes les plus durement touchées par la crise sanitaire, notamment les personnes racisées, les femmes, les sans-abris et les personnes utilisatrices de drogues.
Depuis l’annonce du couvre-feu il y a plus d’un mois, le gouvernement provincial s’en remet aux forces de l’ordre pour juger au cas par cas. Dans les dernières semaines, le cabinet du premier ministre François Legault s’est vu accusé d’être un gouvernement « de banlieue » en raison du privilège et du confort qui épargneraient ses membres des difficultés économiques, sociales et mentales amenées par la pandémie. Selon des personnes présentes lors de la manifestation, ces avantages amèneraient le gouvernement à répondre à la crise sanitaire de manière insensible.
Plusieurs personnes à l’événement brandissaient des affiches revendiquant un meilleur soutien aux milieux communautaires et aux services en aide aux personnes marginalisées de la part du gouvernement provincial.
Le gouvernement Legault avait initialement refusé que les personnes itinérantes soient exemptées du couvre-feu. Avant que la Cour n’invalide cette décision le 26 janvier dernier, un itinérant autochtone avait été retrouvé mort de froid dans une toilette chimique après s’y être caché pour éviter d’être pris en infraction au couvre-feu. La juge Masse avait souligné dans son jugement que sans une exemption « partielle et très ciblée », le couvre-feu aurait un « effet discriminatoire et disproportionné » sur ces personnes en mettant leur vie, leur sécurité et leur santé en danger.
Plusieurs agents de l’escouade antiémeute assistaient également à la manifestation. « Regardez à quel point [les policiers] sont nombreux à être là. Ils sont payés à rien faire, à nous surveiller. Qu’est-ce qu’ils font là ? Pendant ce temps, des gens vivent dans la rue. On n’est pas violents, pourtant ! » a lancé un porte-parole à la clôture de la marche.
Certains quartiers où les proportions immigrante et racisée sont plus élevées, comme Montréal-Nord, ont été plus durement touchés par la maladie. Plusieurs des personnes qui y vivent occupent également des postes de première ligne et connaissent l’emploi précaire. Elles sont moins bien protégées de la COVID-19 dans leur milieu de travail et n’ont pas la possibilité de s’en remettre au télétravail. Un rapport publié en juillet dernier par l’Observatoire québécois des inégalités a constaté que les quartiers dont une portion importante de la population gagne moins de 100 000 dollars par an étaient plus touchés par le coronavirus.
Selon un rapport publié en janvier par Oxfam, les 44 milliardaires du Canada se sont collectivement enrichis de 63,5 milliards de dollars et les revenus des 100 chefs d’entreprises les mieux payés au pays dépassent le salaire annuel du personnel infirmier en 2 jours. À la manifestation, certaines personnes ont exprimé leur colère face à cette situation jugée absurde. Selon elles, les mesures prises par les gouvernements provincial et fédéral serviraient les intérêts économiques des mieux nantis aux dépens des personnes qui travaillent dans les milieux essentiels.
La présente crise sanitaire ne serait pas réconciliable avec le laissez-faire néolibéral de la CAQ, ont souligné dans leurs discours les porte-paroles de divers organismes. L’ampleur de la crise actuelle serait multipliée par les coupes des gouvernements précédents et actuel dans le financement des filets sociaux et du système de santé, ce qui mènerait à l’établissement de salaires trop bas dans les services gouvernementaux. Les porte-paroles ont affirmé que si ce n’était du démantèlement des filets sociaux et des services publics, les circonstances ne nécessiteraient pas la mise en place d’un couvre-feu, encore moins appliqué par la police.