Le 16 février dernier se tenait l’assemblée générale de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM). Reconnue pour son taux de participation traditionnellement bas, cette assemblée générale virtuelle a cette fois-ci réussi à atteindre le quorum de 350 personnes, une première depuis 2017, à l’époque où le quorum n’était que de 100 personnes.
On doit cette participation exceptionnelle à la motion concernant l’adoption de la politique « Désinvestir pour les droits humains » (Divest for Human Rights, document disponible en anglais seulement). Si elle avait été adoptée, cette politique aurait engagé l’AÉUM à faire campagne pour encourager l’administration de McGill à retirer ses investissements de huit compagnies dont les pratiques violeraient certains droits humains.
Toutefois, alors que le vote allait avoir lieu, plusieurs personnes on quitté la réunion Zoom. Cette chute inattendue du nombre de participant·e·s a fait perdre le quorum à l’assemblée générale, qui est alors devenue, comme le veut le règlement de l’AÉUM, un simple forum consultatif. Ce dernier n’a pas la même légitimité démocratique que l’assemblée générale et les motions qui y sont présentées ne peuvent donc pas être adoptées au cours de la rencontre. La décision d’adopter cette motion revient désormais au conseil législatif.
Les compagnies visées par cette campagne sont :
- TC Energy Corporation, responsable de la construction d’un pipeline qui traverse le territoire des Wet’suwet’en ;
- Lockheed Martin, une entreprise connue pour ses avions de combat ;
- Re/Max International, pour son commerce immobilier dans les colonies israéliennes en Palestine ;
- OshKosh Corporation, dont les camions à usage militaire sont utilisés par l’armée israélienne ;
- Puma, Foot Locker, Nordstorm et Kohl’s, pour leur utilisation des camps de travail ouïghours afin de fabriquer une partie de leurs produits.
Ayo Ogunremi, v.-p. aux Affaires externes de l’AÉUM, et Maya Garfinkel, représentante de l’Association des étudiant·e·s pour la paix et le désarmement (Students for Peace and Disarmament), ont présenté la motion. Les deux ont notamment rappelé la contradiction entre les valeurs et les politiques internes mises de l’avant par l’Université et ses investissements dans ces compagnies qui représentent un total d’environ 7 millions de dollars canadiens.
Une motion jugée antisémite et xénophobe
Durant la période de débat, plusieurs étudiant·e·s ont exprimé leur malaise vis-à-vis cette motion, la considérant antisémite puisque l’État d’Israël y est nommé par deux fois. Se basant sur des antécédents mcgillois où la critique de cet état du Moyen-Orient aurait entraîné une montée d’antisémitisme sur le campus, un participant a demandé le sectionnement de la motion. Les étudiant·e·s auraient alors pu voter pour désinvestir compagnie par compagnie, permettant ainsi d’exprimer son désaccord sur les points concernant directement Israël. Cette proposition a été rejetée à 59%.
Une intervenante a argumenté que « la critique du gouvernement israélien est saine et nécessaire pour Israël, tout comme elle l’est pour toutes les autres nations. Mais il y a des cas où la critique se mêle à l’antisémitisme. Et [cette motion] est une de ces instances ». Plusieurs interventions abondaient dans le même sens.
Brooklyn Frizzle, v.-p. aux Affaires internes de l’AÉUM, a expliqué que la motion ne visait pas à critiquer les nations en soit, mais plutôt les compagnies directement : « Y a‑t-il quelqu’un ici qui est citoyen·ne de Re/Max ? Y a‑t-il quelqu’un ici qui est citoyen·e de TC Energy ? Non, tout ceci n’est pas à propos des gouvernements », a‑t-iel déclaré.
Durant la période de débat, plusieurs personnes ont demandé la parole pour la céder à quelqu’un d’autre qui allait défendre la cause pro-israélienne. Plusieurs y ont vu une manière de monopoliser le temps de parole en faveur de cette cause. Après plusieurs avertissements de la présidente de l’assemblée, qui a affirmé que cette pratique ne serait pas tolérée, ces interventions ont cessé.
De l’AG au forum
Durant les trois premières heures de la rencontre, le nombre de participant·e·s variait entre 370 et 390. Selon la procédure, un vote préliminaire doit être proposé par le ou la président·e afin de savoir si l’assemblée accepte de mettre fin à la période de débat et de passer au vote final. Alors que 67% des participant·e·s venaient de voter en faveur de cette transition, le taux de participation s’est mis à chuter rapidement, faisant ainsi perdre le quorum de 350 personnes.
Certain·e·s participant·e·s restant·e·s ont qualifié cette pratique d”«antidémocratique ». Plusieurs y ont vu une tactique pour ralentir le processus de ratification, puisqu’une motion ne peut être approuvée en assemblée générale si le quorum n’est pas atteint. La décision reviendra alors au conseil législatif de l’AÉUM, qui déterminera dans une rencontre ultérieure si la motion peut être soumise à un référendum en ligne. Tout cela retarde d’une à deux semaines la ratification par référendum de la motion. Le vote a tout de même eu lieu. Sur les encore membres présent·e·s, 190 ont voté en faveur, 19 s’y sont opposé·e·s et 3 se sont abstenu·e·s.