Le 26 février dernier se tenait le second événement public du Groupe d’action Wallenberg (GAW), un organisme dédié à la défense des prisonnier·ère·s politiques injustement emprisonné·e·s pour leur lutte pour les droits humains et affilié au Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne. Le panel rassemblait le Pr Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada, Times Wang, avocat et fils du prisonnier politique chinois Dr Wang Bingzhang, et Ayelet Ami, étudiante en droit à McGill et co-présidente du GAW. Or, en raison d’une interférence virtuelle agressive d’acteur·rice·s inconnu·e·s, l’événement Zoom a dû être temporairement interrompu.
→ Voir aussi : Dr Wang Bingzhang, prisonnier de la Chine depuis 2002 pour son militantisme pro-démocratie
Après les présentations, le Pr Cotler a décrit ses activités militantes passées pour la libération de prisonniers politiques tels qu’Anatoly Sharansky et Nelson Mandela, pour lesquels il s’était rendu respectivement en URSS et en Afrique du Sud. Ayant été arrêté lors de ces deux voyages pour sa défense acharnée de ces individus, le Pr Cotler a souligné l’importance de ne pas se laisser intimider par les ennemis de la liberté et de la démocratie et de continuer à lutter contre les injustices.
« Les voix inconnues ont perturbé l’événement, lançant des profanités et des injures, dont certaines à caractère raciste »
Or, vers la fin de son discours, des participant·e·s sous de faux noms ont activé leur micro, coupant la parole au Pr Cotler. Les voix inconnues ont perturbé l’événement, lançant des profanités et des injures, dont certaines à caractère raciste. Le trouble a atteint son paroxysme lorsqu’un membre de ce groupe inconnu a partagé son écran et a diffusé du contenu pornographique à la vue des panélistes et des spectateur·rice·s. L’événement Zoom a été suspendu dans les instants qui ont suivi.
Reprise de l’événement
À la suite du piratage, des membres du GAW ont mis en ligne un nouveau lien Zoom sécurisé afin de permettre au panel de continuer. Bien qu’avec quelques participant·e·s en moins, le reste de l’événement s’est déroulé sans anicroche. Times Wang a discuté de l’emprisonnement de son père par la République populaire de Chine depuis 2002 en raison de son activisme pro-démocratie. De son côté, Ayelet Ami a abordé les possibilités d’activisme étudiant pour les droits humains internationaux.
Durant la période de questions et réponses, les panélistes ont été invité·e·s à se prononcer sur le piratage dont l’événement venait d’être victime. Pour Times Wang, le piratage constituait une preuve concrète que les activités du GAW fonctionnaient, car « sinon, pourquoi [les pirates] l’auraient-ils·elles fait ? ». Il a également ajouté qu’il s’agissait d’une démonstration de l’«insécurité » de régimes comme celui de la Chine qui ne peuvent tolérer l’existence de points de vue différents. Ayelet Ami a abondé dans le même sens, soulignant qu’«on n’essaie pas de taire une voix qui ne nous intimide pas. » Pour le Pr Cotler, cette tentative de suppression devrait servir de motivation aux membres du GAW pour continuer de façon plus soutenue leur militantisme.
Une opportunité d’apprentissage
Le Délit a pu s’entretenir avec Times Wang et Emma Walsh, co-présidente du GAW qui agissait comme hôtesse de l’événement du 26 février pour récolter leur avis sur le zoombombing (une pratique consistant à s’introduire dans une réunion Zoom afin de la gâcher, ndlr).
Selon Emma Walsh, « la nature de ces attaques est telle qu’elles ne peuvent être retracées » à leurs auteur·rice·s. Il n’existe ainsi aucune preuve selon laquelle des agent·e·s du Parti communiste chinois seraient à l’origine de l’interférence. Cependant, pour Times Wang, bien que « tout ce que l’on puisse faire est tirer des inférences raisonnables et éclairées », le régime chinois est à l’écoute et avait un motif de perturber l’événement, ne voulant pas que de jeunes étudiant·e·s canadien·ne·s en apprennent davantage sur la cause troublante du Dr Wang, condamné à l’emprisonnement à vie dans un simulacre de procès. Emma Walsh a de son côté reconnu que, pour des entités opposées aux causes défendues par le GAW, « cela aurait du sens d’agir pour assurer que notre message ait une portée limitée ».
« La nature de ces attaques est telle qu’elles ne peuvent être retracées »
Emma Walsh
Même si elle ne croyait pas initialement que le travail du GAW était d’une ampleur assez importante pour pousser des individus à mener une attaque coordonnée contre un de leurs événements, Emma Walsh a affirmé que le piratage avait enhardi le groupe, leur confirmant l’importance et l’urgence de communiquer leur message et de défendre leurs causes. Times Wang s’est ravi de cette opportunité d’apprentissage concrète pour les étudiant·e·s militant·e·s, car l’attaque était une « illustration viscérale de ce à quoi ressemblent les interactions avec un régime qui n’est pas intéressé par la discussion ».