Le débat entourant la liberté académique et la liberté d’expression qui agite les campus à travers le Québec est arrivé à la Faculté de droit de McGill. Jusqu’à présent, ce débat a été présenté comme opposant la « liberté d’expression » à la « cancel culture ». Cependant, cette manière de cadrer la discussion simplifie dangereusement les enjeux et accentue la polarisation. À cela, nous répondons que la liberté académique n’est pas affaiblie par des efforts pour créer un environnement et faire usage d’un langage anti-oppressant. Nous argumentons au contraire qu’elle est renforcée par la promotion d’un environnement intellectuel enrichi, fondé sur les notions d’égalité, de dignité et d’intégrité.
L’emploi d’un langage oppressant et raciste sur les campus a des conséquences néfastes, ayant même mené certain·e·s étudiant·e·s à renoncer à leurs études. En remettant ainsi en question leur mérite et leur dignité, ces étudiant·e·s ont vu leurs études se faire « canceller ». Cela a pour effet de compromettre le bien-être et les opportunités académiques des étudiant·e·s.
Exiger de nos pairs et de nos institutions qu’iels soient tenu·e·s responsables n’est pas l’équivalent de la « cancellation ». Plutôt, les étudiant·e·s qui cherchent à contester les inégalités systémiques profondément ancrées dans nos campus demandent une prise de responsabilité et des réparations pour les préjudices présents et passés. Il est crucial de le rappeler : la liberté académique n’équivaut pas à l’acceptation sociale inconditionnelle.
Nous soutenons tous·tes les étudiant·e·s qui tiennent leurs pairs et leurs professeur·e·s responsables lorsqu’iels utilisent un langage oppressif. Nous estimons qu’il y a de multiples manières de les tenir responsables selon le contexte et ce, dans le respect et l’intégrité, sans avoir recours à des techniques d’intimidation et de harcèlement. Ces étudiant·e·s font des efforts pour démanteler des systèmes d’oppression et pour créer et entretenir des espaces qui sont sécuritaires et accueillants pour tous·tes les étudiant·e·s, tout en valorisant l’échange d’idées et de connaissances. La liberté d’expression a été instrumentalisée pour perpétuer une rhétorique oppressante et discriminer des étudiant·e·s issu·e·s de groupes marginalisés.
La critique respectueuse est une partie de la liberté académique, de l’expérience universitaire et de l’échange d’idées. À la lumière de cela, nos relations doivent être réciproques et respectueuses afin que l’on puisse partager des espaces et des idées les un·e·s avec les autres. En tant qu’étudiant·e·s, lorsque nous vocalisons nos désaccords vis-à-vis certaines formes d’expression, cela reflète nos valeurs et notre volonté continue d’engager une conversation sur les sujets discutés avec nos pairs.
Pour la suite des choses, nous demandons aux étudiant·e·s et aux professeur·e·s de s’engager dans des dialogues avec attention, compassion et considération quant aux conséquences de leurs paroles. N’oublions pas qu’à la racine de toute cette conversation se trouve l’impact humain d’un langage oppressif. En dépit de la résilience puissante des communautés marginalisées dans le domaine académique, qui se sont battues et continuent de se battre contre l’impunité et pour la prise de responsabilité, certain·e·s étudiant·e·s continuent de quitter les campus car iels ne s’y sentent pas en sécurité. Comme point de départ, nous devons nous centrer sur la dignité de tous·tes les étudiant·e·s et professeur·e·s, lorsque nous nous engageons dans ce débat.
« Ainsi, nous devons persister à vocaliser notre ferme opposition à des commentaires racistes et continuer de nous battre pour un espace plus accueillant et inclusif à la Faculté de droit de McGill »
Nous devons reconnaître qu’il y a eu un changement indéniable dans nos institutions académiques ces dernières décennies. La diversité est plus présente dans les universités canadiennes qu’auparavant, ce qui inclut un large éventail de perspectives et d’expériences vécues. Ce changement implique une culture élargie qui aspire à l’inclusivité. Ainsi, nous devons persister à vocaliser notre ferme opposition à des commentaires racistes et continuer de nous battre pour un espace plus accueillant et inclusif à la Faculté de droit de McGill. Nous devrons chercher à remédier – non à perpétuer – les torts historiques au sein de nos communautés.
Les mots détiennent du pouvoir. Nous croyons que la liberté académique et l’échange de connaissances viennent avec certaines responsabilités. Afin que certain·e·s étudiant·e·s et professeur·e·s puissent bénéficier également de cette liberté, nous avons tous et toutes la responsabilité de favoriser un environnement académique fondé sur des principes de dignité humaine, ainsi que de démanteler les inégalités systémiques.
Si un·e camarade de classe nous dit que nos mots lui ont causé du tort, notre réponse ne doit pas être de brandir immédiatement notre droit à la liberté d’expression. Nous pouvons mieux faire. Nous pouvons assurément partager des idées et des croyances avec soin et compassion, en reconnaissant le droit de tous et toutes de poursuivre leur éducation avec dignité.
Note aux lecteur·ice·s : nous avons opté pour l’écriture inclusive tout au long de ce texte. Le terme « iels » est donc voulu, puisqu’il inclut autant « il », « elle » que « iel ».