L’équipe exécutive de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) pour l’année scolaire 2021–2022 a été annoncée le 19 mars dernier, après une période électorale de quatre jours où 15,2% des étudiant·e·s ont participé au scrutin. Le Délit a contacté les nouveaux et nouvelles exécutant·e·s afin d’en savoir plus sur leur parcours, leur plateforme et leurs projets. Leur mandat débutera le 1er juin prochain.
Darshan Daryanani, Président
La gouvernance étudiante n’est pas étrangère à cet étudiant de quatrième année en double honours en science politique et en développement international. Dès son arrivée à l’Université, il a été élu représentant d’étage au Carrefour Sherbrooke, une résidence de l’Université, puis a enchainé année après année les comités et groupes étudiants. D’abord en tant que v.-p. aux Affaires externes, puis en tant que président, il participe depuis deux ans à la branche exécutive de l’Association étudiante de la Faculté des arts, mandats durant lesquels il a également siégé au conseil législatif de l’AÉUM. Cette année, en tant que sénateur pour l’AÉUM, il s’est engagé dans plusieurs des débats marquants de l’année 2020–2021, comme ceux sur la liberté académique, sur le rallongement du congé d’hiver et sur l’ajout d’options Satisfaisant/Insatisfaisant en raison de la pandémie.
Si Darshan Daryanani ne se voit pas comme un président au mandat ordinaire, c’est en grande partie à cause de la réouverture du 3501 rue Peel et du Centre universitaire, au 3480 rue McTavish, des bâtiments fermés depuis plusieurs années pour rénovations. Le futur président prévoit rendre disponible ces bâtiments à la communauté étudiante de plusieurs manières, notamment avec l’ouverture d’une zone d’étude et de détente, de lieux de recueillement et de prière et d’un point de cueillette pour les envois postaux et les livraisons des étudiant·e·s. L’assignation des espaces serait déterminante pour l’avenir de l’AÉUM, d’après le nouvel élu, car elle liera l’expérience étudiante à McGill avec l’association pour les prochaines années.
« Je me vois comme une personne qui va définir l’association pour les cinq prochaines années »
Darshan Daryanani
Selon lui, l’AÉUM est capable de faire mieux que ce qu’elle a fait par le passé. « Les étudiant·e·s financent le système, mais qu’en retirent-ils ? Nous ne sommes pas là que pour un an, nous sommes là pour environ quatre ans, ce qui représente une bonne fraction de notre vie. » Avec la pandémie, les liens entre le corps étudiant et son association se sont dégradés en même temps que toutes les relations interpersonnelles, affirme-t-il. Avec le retour sur le campus, l’ouverture des bâtiments de l’association présenterait une occasion en or de renouer avec les étudiant·e·s.
« Une fois que nous aurons fourni ces services aux étudiant·e·s, ceux-ci verront en l’AÉUM bien plus que de la politique, bien plus que du drame et du tea »
Darshan Daryanani
Plusieurs des promesses de sa campagne se retrouvaient déjà dans le plan quinquennal de l’AÉUM adopté l’an dernier, mais cela ne veut pas dire qu’elles sont vides de sens, selon lui. Définir les priorités dans l’exécution du plan serait un geste important de la présidence, le mandat étant limité à un an. Le nouveau président souhaite donc réaffirmer l’importance des Affaires francophones. « Ce n’est pas seulement vrai à propos de la constitution [qui a été invalidée en raison de l’absence de version française, ndlr]: alors que je siégeais au conseil législatif, il y avait énormément d’erreurs de communication et de traduction, et c’est tout simplement inapproprié. » C’est pourquoi il s’engage à embaucher un·e traducteur·trice à l’interne, comme le prévoit le plan quinquennal, et à offrir au·à la commissaire aux Affaires francophones un siège au conseil législatif.
→ Voir aussi : La constitution de l’AÉUM déclarée invalide
« J’ai honte de parler de la constitution de l’an dernier »
Darshan Daryanani
Quant aux récentes controverses à l’AÉUM entourant les messages politiques de l’association, le problème serait pratiquement résolu, a‑t-il déclaré. Désormais, les messages qui seront publiés par le conseil exécutif ou par le conseil législatif devront être approuvés par ce dernier, ce qui devrait limiter le nombre de messages problématiques. Peu après l’annonce de l’AÉUM en soutien aux prisonniers hongkongais, des étudiant·e·s sont venu·e·s aux rencontres du conseil législatif pour exprimer leur désaccord et poser des questions à l’équipe exécutive. Darshan Daryanani a affirmé que la gestion de leurs interventions, souvent jugées non conformes aux règles régissant ces réunions, a envoyé un mauvais signal. « Je ne pense pas que nous leur ayons rendu justice en leur disant “Votre question est tendancieuse” ou “Vos préoccupations sont entendues, mais nous ne nous en soucierons pas”. Je pense que ce n’était ni approprié ni respectueux. »
→ Voir aussi : La déclaration en soutien aux prisonniers hongkongais cause une polémique à l’AÉUM
Éric Sader, v.-p. Finances
Le nouveau v.-p. Finances de l’AÉUM considère que son rôle principal est de soutenir les autres exécutant·e·s. Pour cette raison, il préfère rester loin des débats idéologiques qui déchirent la communauté étudiante. Terminant sa troisième année en économie à McGill, le nouvel élu considère que plusieurs promesses passées de l’AÉUM tardent à être remplies. Plus précisément, il souhaiterait réaliser la consolidation des frais des services de l’AÉUM, qui consisterait à rassembler tous les frais des services sous la cotisation obligatoire. En conséquence, les référendums de renouvellement et d’augmentation des frais des services n’auraient qu’une seule question, celle du renouvellement des frais des services de l’association étudiante, au lieu de présenter une question pour chaque service.
« Du point de vue d’un étudiant, si on dit “2$ par année iront à cette organisation que tu n’aimes pas trop, mais 50$ iront à des organisations essentielles que tu utilises”, l’étudiant ne va pas dire “Ah non, le 2$, c’est trop, je vais jeter tout le reste”»
Éric Sader
Cela signifierait également que, advenant une défaite au référendum, le financement de tous les services rassemblés sous cette demande de renouvellement ou d’augmentation des frais se verrait coupé – un scénario que l’exécutant juge improbable. Les personnes votant aux référendums de l’AÉUM seraient en général motivées à le faire en raison de l’appui qu’elles souhaiteraient témoigner aux services. Cela fait en sorte que les demandes de frais auraient peu de chance d’échouer advenant une consolidation. Afin de laisser aux étudiant·e·s la possibilité de refuser le financement de certains services, des mesures pourraient être mises en place pour que ces derniers soient mis dans une question à part lors du référendum, a‑t-il rajouté.
Un rapport du Bureau du commissaire aux finances de l’AÉUM déposé le 21 janvier 2021 révélait que de nombreux comités et services aux étudiant·e·s de l’association disposeraient de sommes d’argent accumulées dépassant parfois de 200% leurs revenus par session en date de la session d’automne 2020. Éric Sader craint que retirer ces sommes excédentaires lors de la consolidation mette à mal les finances des services et des organismes en plus de compromettre le projet ense mettant à dos les services. Il reconnaît néanmoins que la situation est problématique pour deux raisons. D’abord, cet argent est collecté et accumulé, mais n’est pas utilisé pour offrir des services aux étudiant·e·s, ce qui reviendrait à une perte nette pour la communauté mcgilloise. Ensuite, cette réserve d’argent pourrait être considérée comme un profit aux yeux de la loi ; or, les organismes à but non lucratif n’ont pas le droit d’accumuler des profits, selon l’article 149.1 (3) (b) de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada. Le statut d’organisme à but non lucratif pourrait alors être retiré aux organismes fautifs. Afin de lutter contre les augmentations de frais inutiles, le futur v.-p. exigera que les organismes démontrent leur besoin en présentant un budget au conseil législatif quant à l’utilisation de nouveaux fonds dont ils feraient la demande.
Karla Heisele Cubilla, v.-p. Vie étudiante
Seule candidate s’étant présentée au poste de v.-p. Vie étudiante, Karla Heisele Cubilla a été élue avec un peu plus de 90% des voix. Il s’agira de sa première fonction au sein de l’AÉUM ; néanmoins, elle peut compter sur deux ans d’expérience en tant que v.-p. de l’Association des étudiant·e·s espagnols et latino-américains de McGill (SLASA) ainsi qu’en tant que directrice du recrutement dans la sororité Alpha Phi McGill. Selon elle, ces postes de direction lui ont permis d’apprendre le fonctionnement de l’AÉUM du point de vue logistique, ainsi que de réaliser l’importance qu’ont les activités extracurriculaires dans la vie des étudiant·e·s de McGill.
La nouvelle élue ne cache pas que l’Université à distance a été particulièrement éprouvante pour les clubs et les services. « De nombreuses organisations étudiantes ont dû soit mettre un terme à leurs activités, soit les diminuer », reconnaît-elle, « ce qui a entrainé un désengagement de la vie étudiante ». Pour renverser cette tendance, elle souhaite que les ressources liées aux clubs soient visibles et accessibles : cela impliquerait de mettre à jour les informations sur le site de l’AÉUM, de retravailler les formulaires de planification, ou encore de faciliter l’accès aux réservations de salles du Centre universitaire. Selon elle, la priorité est de « s’assurer que tous les étudiant·e·s soient en sécurité et se sentent prêt·e·s à reprendre leurs activités ».
Une des responsabilités des v.-p. Vie étudiante est la gestion des ressources en santé mentale de l’AÉUM. Le poste est appuyé dans ce rôle par une équipe composée d’un commissaire, de coordinateurs, d’un comité et d’un caucus sur la santé mentale. Karla Heisele Cubilla souhaite unifier toute cette équipe afin d’améliorer la communication interne, mais aussi afin de pouvoir communiquer de façon plus efficace avec le Pôle Bien-Être, qui n’est pas administré par l’association étudiante, et de lui transmettre leurs préoccupations et leurs suggestions.
Elle travaillera aussi à superviser l’implantation de « Wellness World » (Monde Bien-Être), une plateforme en ligne qui sera « un guichet unique pour toutes les ressources en santé mentale ». Développée par sa prédécesseure Maheen Akter et son équipe, cette plateforme sera lancée à la fin de la session d’hiver. Le rôle de la nouvelle v.-p. sera de s’assurer qu’elle est bien accueillie par les étudiants au cours de l’année prochaine.
Finalement, elle aimerait améliorer l’accès au service de garderie de l’AÉUM, qui souffre en ce moment de longues listes d’attente. Pour ce faire, elle souhaite permettre aux étudiant·e·s d’occuper des postes à la garderie sur une base volontaire, ce qui leur permettrait aussi d’obtenir de l’expérience. Durant sa campagne, il a été noté que ce programme de « bénévolat » irait à l’encontre de la politique de l’AÉUM concernant les stages et le travail non rémunéré. Elle a précisé que les étudiant·e·s en question seraient finalement rémunéré·e·s, sans toutefois donner davantage de détails.
Sacha Delouvrier, v.-p. aux Affaires externes
Pour cet étudiant de troisième année en science politique et développement international, l’AÉUM est un organisme plus influent qu’il n’y paraît. Il soutient que l’AÉUM est la mieux placée pour connaître l’état et les besoins de la communauté étudiante, ce qui lui confèrerait un statut privilégié dans sa relation avec l’administration mcgilloise, ainsi que des responsabilités qui lui sont propres, comme la sensibilisation à la réalité étudiante. C’est pourquoi le programme du nouvel élu est si ambitieux : militer pour davantage de cours sur les autochtones du Québec et du Canada et s’assurer que les mesures mises en place par l’administration pour limiter la propagation de la COVID-19 seront suffisantes lors du retour en présentiel semblent sortir des compétences de l’association étudiante. Toutefois, à son avis, ces efforts peuvent amener des résultats concrets.
Sacha Delouvrier compte solidifier les liens entre la communauté mcgilloise et les organismes de bienfaisance opérant autour de l’Université. Ce serait faire d’une pierre deux coups, soutient-il, puisque les responsabilités des affaires externes sont à la fois de s’occuper de l’implication sociale des étudiant·e·s et du maintien de relations harmonieuses avec les communautés locales. Pour les étudiant·e·s, a‑t-il affirmé, faire du bénévolat aurait un bénéfice double : d’un côté, il serait gratifiant d’apporter son aide aux individus qui en ont besoin ; de l’autre, la participation bénévole constituerait une bonne expérience à ajouter à un curriculum vitae en vue de l’admission aux cycles supérieurs.
Le futur v.-p. aux Affaires externes a tenu à souligner les efforts importants déployés par le v.-p. actuel, Ayo Ogunremi, autant pendant l’année que pour faciliter la transition. Le défi auquel sera confronté Sacha Delouvrier est toutefois inédit, a‑t-il affirmé, car l’ensemble de la communauté étudiante, et pas seulement les groupes marginalisés, aura besoin d’aide en raison de la pandémie. À son avis, cela poussera les membres de l’exécutif à collaborer étroitement pour que leurs dossiers couvrent l’ensemble des besoins des étudiant·e·s.
Sarah Paulin, v.-p. aux Affaires internes
Porter sa candidature à un poste de l’exécutif de l’AÉUM n’était pas dans les plans de l’étudiante en première année en littérature anglaise. Malgré cela, avec l’expérience qu’elle a accumulée au cours de l’année, entre autres en tant que Déléguée aux relations publiques du Symposium des Nations Unies des écoles secondaires (Secondary Students United Nations Symposium), elle dit avoir confiance en ses compétences. Sarah Paulin remplit un siège laissé vacant depuis le départ de Declan McCool avant l’automne 2020, alors qu’il était visé par des allégations de violence sexuelle.
« À travers la communication aux étudiants de première année, on veut montrer que l’AÉUM existe et qu’elle fait de grandes choses »
Sarah Paulin
Tout comme Darshan Daryanani, la nouvelle v.-p. aux Affaires interne se dit préoccupée par les liens limités entre l’AÉUM et la communauté qu’elle est censée représenter. Afin de remédier à ce problème, elle propose de modifier le format des courriels hebdomadaires pour en augmenter le lectorat, ce qui permettrait à l’association de mieux faire connaître son travail. Ce travail de relations publiques serait nécessaire après que l’AÉUM a échoué à faire adopter sa constitution en hiver 2020 et que son v.-p. aux Affaires internes ait quitté son poste avant son entrée en fonction, réduisant la confiance envers l’association. Selon Sarah Paulin, l’équipe de cette année a fait un travail remarquable, mais n’a pas réussi à le communiquer efficacement. La nouvelle élue consacre une grande partie de sa plateforme aux étudiant·e·s de première année. Son objectif est de donner plus de pouvoir aux représentant·e·s de ce groupe et d’augmenter la collaboration entre les représentant·e·s des différentes facultés afin de permettre aux étudiant·e·s de tisser des liens avec d’autres en dehors de leur champ d’études.
Selon elle, les Affaires francophones ont souffert de ne pas avoir disposé de suffisamment de personnel. Une bonne partie du budget accordé à la francophonie mcgilloise n’aurait pas pu être dépensé, faute de temps et de projets. « En augmentant le portefeuille des Affaires francophones et en créant davantage de postes dédiés aux affaires francophones, je crois que nous pourrons créer une meilleure communauté pour les étudiant·e·s francophones », soutient-elle, puisque de nouvelles embauches offriraient les ressources nécessaires à l’utilisation du budget.