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Entrevue avec Sarah Carter – Parti vert du Canada

Pour le Parti vert, Le Délit s’est entretenu avec Sarah Carter. Militante pour le Parti vert depuis 2007, elle présente sa candidature dans LaSalle–Émard–Verdun. Elle complète actuellement son doctorat et enseigne un cours de premier cycle en histoire de l’art à l’Université McGill.

Équipe de campagne Sarah Carter

Le Délit (LD) : Qu’est-ce qui vous différencie du NPD ? Est-ce que la compétition entre ces deux partis peut nuire à la cause progressiste au pays ? 

Sarah Carter (SC) :  Non. Je pense que le fait que nos deux partis partagent beaucoup d’idées est quelque chose de bien. Pour ce qui est du climat, nous avons plein de propositions en commun. Nous ne voulons pas soutenir l’énergie nucléaire, nous souhaitons imposer une tarification sur le carbone – il s’agit même d’une idée commune à tous les grands partis, ce qui est une bonne indication de l’efficacité de cette mesure – et nous voulons tous les deux éliminer les subventions aux énergies fossiles. Nous partageons également l’idée de mettre fin à tous les projets d’oléoducs et à la fracturation hydraulique.

Ce qui nous différencie, c’est que nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) sont 10% plus ambitieux que ceux du NPD. C’est comparable à ce qui se fait au sein de l’Union européenne. Il faut  avoir des objectifs plus agressifs dès aujourd’hui, puisque ce que nous faisons maintenant est beaucoup plus important que ce que nous ferons dans 10 ans : les risques d’un changement climatique incontrôlable seront de plus en plus grands plus on attend.

Ce que j’aime bien de la plateforme verte, c’est l’accent mis sur la collaboration entre les partis. Nous ne voulons pas que le climat soit un enjeu politique. Le Parti vert a donc proposé de former un comité auquel prendraient part tous les partis pour combattre les effets des changements climatiques.

LD : Une coalition serait-elle possible face à l’urgence climatique qui commande peut-être de mettre de côté certaines divergences partisanes ?

SC : Comme nous n’avons que deux députés élus pour l’instant, le Parti vert votera avec le NPD ou avec les libéraux s’ils soutiennent des politiques environnementales. Ce qui est bien au sein de notre parti, c’est que ses positions ne nous contraignent pas dans nos votes : nous pouvons voter avec nos valeurs. Alors même si le NPD au pouvoir ne formait pas un gouvernement complètement vert, notre parti voterait en faveur de ses mesures pour combattre les effets des changements climatiques.

C’est vrai que ce n’est pas forcément réaliste de dire que l’élection d’un gouvernement vert est possible, mais c’est bien de voter pour nous quand même, parce que ça envoie un message très fort aux autres partis que les gens veulent des politiques environnementales plus progressistes.

LD : À la lumière du dernier rapport du GIEC, quelle est la mesure phare que votre parti propose pour lutter contre les changements climatiques qui n’est pas déjà en place ?

SC : Notre objectif est une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Les libéraux proposent une réduction de 45%, ce n’est pas assez élevé : en Europe, ils veulent atteindre une réduction de 55% des émissions de carbone, mais par rapport au niveau de 1970. Nous voulons également atteindre, comme tous les autres partis, la carboneutralité en 2050. Toutefois, ce que l’on fait maintenant est plus important que ce que l’on fera en 2040.

« Nous ne voulons pas que le climat soit un enjeu politique »

Sarah Carter

LD : Avec la découverte de dépouilles sur les terrains d’anciens pensionnats, il y a de plus en plus d’attention tournée vers le traitement passé et présent de l’État vis-à-vis des peuples autochtones du pays. Dans ce contexte, que pensez-vous des actions prises par le gouvernement Trudeau pour favoriser la réconciliation ?

SC : Je suis très déçue du bilan libéral à ce niveau. Aux dernières élections, M. Trudeau a promis de faire plein de choses pour les communautés autochtones, mais il n’a pas agi en conséquence. Encore aujourd’hui, il y a des gens qui n’ont pas accès à l’eau potable, il a baissé les bras sur cet enjeu durant son dernier mandat. Il a une très belle rhétorique, mais rien n’a changé.

LD : Quel est le plan de votre parti pour entamer la réconciliation et comment comptez-vous réduire l’écart entre les conditions de vie des communautés autochtones et celles du reste de la population canadienne ?

SC : Le plus important, c’est de mettre l’accent sur la collaboration avec les communautés. Il faut se débarrasser de l’approche par le haut qui ne fonctionne pas. Il faut travailler avec les communautés pour développer une nouvelle politique visant à les aider à avoir plus d’accès par exemple aux services de santé et de santé mentale, à des logements abordables et à l’eau potable.

Nous proposons notamment une mesure pour fournir du financement durable afin de créer des centres de guérison pour remédier aux dommages psychologiques causés par les pensionnats. Néanmoins, il demeure important de demander aux communautés ce qu’elles veulent et non pas leur imposer une conception blanche de la guérison.

LD : Quelles propositions fait votre parti pour améliorer les conditions des étudiants universitaires au pays ?

SC : Dans notre plateforme, on veut que les frais d’inscriptions soient complètement abolis afin de rendre l’éducation gratuite pour tout le monde. J’ai passé dix ans déjà à l’université, et c’est très cher. C’est pire aux États-Unis, certes, mais c’est quelque chose qu’il faut améliorer ici aussi. La deuxième chose, c’est de radier toutes les dettes liées aux prêts fournis par le gouvernement fédéral : les étudiants qui ont déjà terminé leurs études n’auront pas à les rembourser. C’est très important : j’ai beaucoup d’amis qui ont des prêts très élevés, et dans le contexte actuel où le logement est cher, il est impossible de s’acheter une maison avec beaucoup de prêts étudiants à rembourser. C’est quelque chose de magnifique dans notre plateforme, c’est une mesure très agressive, mais je crois que c’est quelque chose de bon. 

LD : Que pensez-vous de la stratégie de votre chef de faire campagne exclusivement dans sa circonscription de Toronto-Centre ? On a entre autres vu qu’elle avait du mal à nommer ses candidats au Québec. Pensez-vous que cela peut affecter les chances du Parti vert de faire des gains au Québec ?

SC : Non, parce que le Québec est déjà une région où nous avons une très grande équipe et beaucoup de ressources pour mener une bonne campagne électorale. Pour ma part, comme je suis candidate pour la première fois, je travaille avec des candidats d’autres circonscriptions pour collecter des signatures, mettre les affiches, faire des événements ensemble, etc. Si j’ai une question, je peux demander aux autres candidats. Comme ça, j’apprends beaucoup et j’ai les ressources dont j’ai besoin pour faire une bonne campagne.

LD : Votre parti propose de nombreuses mesures très ambitieuses, comme le revenu minimal garanti ou l’université gratuite pour tous. Comment proposez-vous de payer pour ces mesures ?

SC : Il faut traiter cette question sur chaque enjeu. Pour les frais de scolarité, on a proposé d’économiser de l’argent en annulant le comité responsable des prêts étudiants. Il y a beaucoup de prêts qui ne sont jamais remboursés, cela représente beaucoup de pertes d’argent. Donc, si on élimine ce système, on va économiser beaucoup.

Pour les autres enjeux, par exemple pour le climat, on va aller chercher de l’argent principalement grâce à la taxe carbone. Si on ferme les industries pétrolières, on doit les remplacer, donc il faut investir dans les secteurs plus durables, plus verts. C’est comme cela que nous allons redémarrer l’économie.

LD : Votre parti reconnaît qu’il y a une crise du logement. Que proposez-vous comme mesures à cet égard ?

SC : La première chose, c’est de s’attaquer à l’offre. Il faut construire de nouveaux logements ; on a proposé d’acquérir ou de construire 300 000 logements abordables pendant les dix prochaines années. 

Bien sûr, si on construit de nouveaux logements, il faut penser à leur emplacement. Je suis contre l’étalement urbain : il faut penser à l’endroit où il faut les mettre pour éviter cela, et pour redensifier les centres urbains. Je veux voir les communautés davantage pensées sur le modèle du « 15 minutes de transport », où les gens peuvent travailler, habiter, avoir accès aux services sociaux, aux espaces verts, tout ce dont ils ont besoin, à distance de marche. On évite ainsi d’avoir des gens qui doivent conduire pendant une heure pour aller travailler.

L’autre chose que le Parti vert a proposée, c’est d’avoir un ministre du logement. Le logement est quelque chose d’organisé par les provinces et les municipalités. Si le gouvernement veut s’occuper de cet enjeu national, il faut collaborer avec elles. Ce serait le rôle de ce ministère : travailler avec les provinces et comprendre les besoins de chacune. Les besoins ne sont pas les mêmes partout : ce dont on a besoin à Montréal n’est pas ce dont on a besoin à Halifax. C’est un enjeu complexe et il faut le traiter comme tel.

LD : Qu’avez-vous pensé de la gestion de la pandémie par le Parti libéral ? Qu’aurait fait de différent le Parti vert ? Quelle serait la marche à suivre pour l’avenir alors que nous allons devoir apprendre à vivre avec la COVID-19 ?

SC : Comme Anammie Paul et l’entièreté des chefs d’oppositions l’ont dit, je suis déçue qu’on soit en élection maintenant pendant la 4e vague de la pandémie. C’est dommage : il faut plutôt concentrer nos efforts sur la santé publique. 

Ce qui est nécessaire pour l’avenir, c’est de combattre l’hésitation à la vaccination, car il est nécessaire d’avoir un niveau de vaccination assez élevé pour arrêter le virus dans nos communautés. Ce dont on a besoin, c’est plus de recherche sur ce sujet. Il faut travailler avec les communautés qui ont eu de mauvaises expériences avec le système de santé. C’est quelque chose qu’il faut réparer. Il faut travailler avec elles pour comprendre leur expérience, avant d’avoir le pouvoir de faire quelque chose.


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