Plus que quelques jours nous séparent de la date du scrutin de l’élection fédérale 2021. Deux ans après la victoire minoritaire des libéraux, le gouvernement de Justin Trudeau a relancé la machine électorale dans l’espoir de gagner quelques sièges. L’équipe du Délit vous encourage par ailleurs à aller voter, et à vous inscrire rapidement si ce n’est pas déjà fait – la date limite pour le faire est le mardi 14 septembre.
La popularité d’une option n’est pas garante de sa qualité. Pour qu’une population arrive à une décision éclairée, il lui faut s’informer au sujet des enjeux qui la concernent. C’est le rôle du journalisme, mais c’est aussi celui des citoyens et citoyennes qui discourent dans l’espace public. L’avènement d’Internet et des médias sociaux a confié aux individus le pouvoir de propager de l’information à une échelle inédite et à une vitesse quasi instantanée. En ce sens, les partages massifs démocratisent la liberté de presse, les idées les plus populaires n’ayant plus besoin de grand financement afin d’être transmises. Plus besoin de faire valoir son point de vue aux conglomérats médiatiques pour s’adresser à une audience virtuellement infinie. La reconnaissance des pairs suffit alors à porter, sans effort, les propos de quelqu’un aux quatre coins du globe.
On a vu les dérives possibles : chambres d’échos, manipulation de masse, corruption des processus démocratiques et pouvoir de l’argent. Constater que les commentaires sur sa propre page partagent son point de vue, comme l’a fait François Legault, n’est pas la preuve d’un consensus national, c’est bien connu. Et les entreprises comme Facebook, Twitter et Instagram doivent assumer leur responsabilité de limiter leur propre quête de profit en faveur de la protection des institutions démocratiques. On peut dénoncer l’inaction du politique et la violence des autres, et, surtout, ne pas proférer d’injures et de menaces. Au-delà de cette décence des plus élémentaires, l’individu ne peut pas y faire grand-chose.
Alors, que reste-t-il aux gens qui souhaitent contribuer positivement à la construction de leur société par leur parole ? Il est toujours possible de s’indigner du sort des plus vulnérables, de partager sa frustration face aux diverses injustices d’ici et d’ailleurs. Mais est-ce là vraiment la meilleure stratégie ? Bien sûr, il est important d’attirer l’attention sur ce qui cloche – cela fait partie de l’information importante pour voter de manière éclairée. De l’injustice et de la souffrance, il y en a dans le monde. Des Yéménites aux victimes d’actes terroristes, en passant par les personnes en situation d’itinérance, on aurait de quoi écrire pendant des heures, des jours, une vie entière. Le Délit pourrait présenter un éditorial par semaine décriant les situations les plus révoltantes de l’humanité contemporaine. Cependant, occuper un tel espace – celui à l’avant d’un journal, ou d’un fil d’actualité Facebook – vient à un prix. Celui, d’abord, de ne pas le laisser à d’autres qui subissent ces injustices, mais aussi celui de ne pas prendre la peine d’écouter. C’est en renonçant à participer, ne serait-ce que pour un instant, que l’esprit développe sa conscience de l’autre.